La virtualité en philosophie

La virtualité est un concept philosophique élaboré par le penseur français Gilles Deleuze. La virtualisation est le passage du courant au virtuel. Pour Pierre Lévy, le virtuel n’est pas le contraire du réel, mais une continuation de celui-ci. Il existe plusieurs types de virtualisation, tels que la virtualisation de texte, d’action, de présent, de violence, de corps, entre autres. La virtualisation a toujours été présente dans nos vies et elle influence de nombreuses manières, notamment en ce qui concerne l’évolution de l’espèce humaine.

Présentation générale
Deleuze a utilisé le terme virtuel pour désigner un aspect de la réalité idéal, mais néanmoins réel. Un exemple en est le sens ou le sens d’une proposition qui n’est pas un aspect matériel de cette proposition (qu’elle soit écrite ou parlée) mais qui en est néanmoins un attribut. Henri Bergson, qui a fortement influencé Deleuze, et Deleuze lui-même construisent leur conception du virtuel en référence à une citation dans laquelle l’écrivain Marcel Proust définit la virtualité, la mémoire comme « réelle mais non réelle, idéale mais non abstraite ». Une définition du dictionnaire rédigée par Charles Sanders Peirce, faisant référence à la philosophie de Duns Scot, confirme cette conception du virtuel comme quelque chose de « comme si » il était réel, et l’utilisation quotidienne du terme pour indiquer ce qui est « virtuellement »,

Le concept de
Deleuze Le concept du virtuel de Deleuze a deux aspects: premièrement, le virtuel est une sorte d’effet de surface produit par les interactions causales réelles au niveau matériel. Quand on utilise un ordinateur, le moniteur affiche une image qui dépend des interactions physiques ayant lieu au niveau du matériel. La fenêtre n’est nulle part dans les faits, mais elle est néanmoins réelle et peut être interagie. Cet exemple mène en fait au deuxième aspect du virtuel sur lequel insiste Deleuze: son caractère génératif. Ce virtuel est une sorte de potentialité qui se réalise dans le réel. Ce n’est toujours pas matériel, mais c’est réel.

Deleuze affirme qu’Henri Bergson a développé « la notion de virtuel au plus haut degré » et qu’il a fondé toute sa philosophie sur celle-ci. Dans le bergsonisme, Deleuze écrit que « virtuel » ne s’oppose pas à « réel » mais à « réel », alors que « réel » s’oppose au « possible ». Cette définition, qui est presque impossible à distinguer du potentiel, provient des scolastiques médiévales et du mot latin médiéval virtualis. Deleuze identifie le virtuel, considéré comme une multiplicité continue, avec la « durée » de Bergson: « c’est le virtuel dans la mesure où il est actualisé, en cours d’actualisation, il est inséparable du mouvement de son actualisation ».

Virtualisation et virtualisation
Pour le philosophe Pierre Lévy, le virtuel ne s’oppose pas au réel. Le concept du virtuel contraste avec le concept du présent. Le mot virtuel vient du latin médiéval virtualis, qui à son tour dérive de virtus, qui signifie force ou pouvoir; En philosophie, c’est virtuel ce qui existe en potentiel et non en acte. Par exemple, l’arbre est pratiquement présent dans la graine.

Dans Différence et répétition, le philosophe Gilles Deleuze distingue le concept de possibilité et le concept de virtualité. le possible sera réalisé sans rien changer, ni dans sa détermination ni dans sa nature, constituant ainsi un « réel » fantomatique (possible). Le possible ressemble au « réel »: il manque juste d’existence. La réalisation d’un possible est la production innovante d’une idée ou d’une forme. Ainsi, la différence entre possible et réel est purement logique.

«Contrairement à ce qui est possible, statique et déjà constitué, le virtuel est comme le complexe problématique, le nœud de tendances ou de forces qui accompagne une situation, un événement, un objet ou toute entité, et qu’il appelle un processus de résolution: la mise à jour . Ce complexe problématique appartient à l’entité considérée et constitue même l’une de ses plus grandes dimensions. Le problème avec la graine, par exemple, est de faire germer un arbre. – Pierre Lévy  »

La mise à jour apparaît alors comme une solution à un problème, une solution qui n’était pas précédemment contenue dans la déclaration. Par exemple, si l’exécution d’un programme informatique purement logique concerne le couple possible / réel, l’interaction entre les humains et les systèmes informatiques concerne la dialectique du virtuel et du réel. La virtualisation peut être définie comme le mouvement inverse de la mise à jour; Il s’agit d’un passage du « courant » au « virtuel », un « élévation au pouvoir » de l’entité considérée. La virtualisation n’est pas une déréalisation (transformation d’une réalité en un ensemble possible); virtualiser une entité consiste à découvrir un problème général auquel elle se rapporte,

La virtualisation du corps
Selon Pierre Lévy, la virtualisation du corps passe par des reconstructions. En prolongeant les sagesses du corps et les anciennes habitudes alimentaires, nous avons inventé aujourd’hui cent façons de nous construire, de nous modeler: diététique, musculation, chirurgie plastique. La perception est externalisée par les systèmes de télécommunication. Grâce à des technologies telles que les caméras, les caméras ou les magnétophones, nous pouvons percevoir les sensations de quelqu’un d’autre à un autre moment et à un autre endroit. La fonction symétrique de la perception est la projection dans le monde de l’action et de l’image. Chaque nouvel appareil ajoute un genre de peau, un corps visible au corps actuel. Le corps est retourné comme un gant. L’intérieur passe à l’extérieur tout en restant à l’intérieur. Chaque corps devient partie intégrante d’un immense hyper-corps hybride globalisé. Parachutes de sport, deltaplane, Saut à l’élastique, ski alpin, ski nautique, surf et planche à voile, purement individuels, maximisent la présence physique ici et maintenant. Le corps personnel est la mise à jour temporaire d’un immense hyper-corps hybride social et technobiologique. Le corps contemporain ressemble à une chaleur brillante qui s’attache au corps public.

La virtualisation de texte
Pierre Lévy dit également que le texte, depuis son origine, est un objet virtuel, abstrait, indépendant d’un support spécifique; il se met à jour par la lecture.

«Tel est le travail de lecture: à partir d’une linéarité initiale ou d’une platitude, cet acte de déchirement, de froissement, de torsion, de recomposition du texte pour ouvrir un milieu vivant dans lequel le sens peut s’épanouir. L’espace de signification n’existe pas avant la lecture. C’est en le parcourant, en le cartographiant que nous le fabriquons, que nous le mettons à jour. – Pierre Lévy  »

Car Lévy considère le « texte » comme un discours élaboré ou intentionnel, y compris des diagrammes et même des messages iconographiques et filmiques. Selon l’auteur, l’écriture a accéléré le processus de virtualisation de la mémoire, c’est-à-dire son extériorisation, et ne peut donc être considérée comme un simple enregistrement de la parole.

Hypertexte
L’hypertexte ne découle pas du texte source, mais de la régulation de la taille des nœuds ou des modules élémentaires, du routage des connexions et de la structure de l’interface de navigation. Le support numérique permet de nouvelles formes de lecture et d’écriture collectives. Les dispositifs hypertextuels constituent une sorte d’objectivation, d’extériorisation et de virtualisation des processus de lecture. Les textes Internet font pratiquement partie d’un hypertexte énorme et en croissance rapide.

Économie de virtualisation
De nos jours, l’économie est une économie de déterritorialisation ou de virtualisation. Les secteurs émergents de l’économie virtuelle sont les télécommunications, l’informatique et les médias, ainsi que la déterritorialisation physique. La finance est l’une des activités d’escalade de la virtualisation. Sa monnaie de base est composée de main-d’œuvre, de commerce et de consommation non synchronisés et délocalisés. L’information et la connaissance sont des biens immatériels; L’information est virtuelle. S’agissant du travail, deux voies s’ouvrent aux investissements pour accroître leur efficacité: la réification des effectifs par l’automatisation ou la virtualisation des compétences par des dispositifs augmentant l’intelligence collective.

Autres concepts
Denis Berthier a évoqué une autre signification essentielle dans son livre de 2004 « Méditations sur le réel et le virtuel », basé sur des usages en science (image virtuelle), technologie (monde virtuel) et étymologie (dérivation de la vertu – latin virtus). Au même niveau ontologique que « les abstractions » possibles « (c’est-à-dire idéalement possibles), les représentations ou les » fictions « imaginées, le » matériel « réellement réel, ou le » possible « réellement possible, le » virtuel « est » idéal  » -réal ». C’est ce qui n’est pas réel, mais il affiche toutes les qualités du réel – d’une manière manifestement actuelle (c’est-à-dire non potentielle). Le cas type est un reflet dans un miroir: il est déjà là, que l’on puisse le voir ou non; il n’attend aucune actualisation. Cette définition permet de comprendre que des effets réels peuvent être générés par un objet virtuel, de sorte que notre perception de celui-ci et notre relation à celui-ci soient pleinement réelles, même si ce n’est pas le cas. Cela explique comment la réalité virtuelle peut être utilisée pour soigner les phobies. Brian Massumi en montre les implications politiques.

Cependant, notez que les auteurs utilisent surtout des termes tels que « possible », « potentiel » et « réel » de différentes manières et établissent un lien différent entre le virtuel et ces autres termes. Deleuze considère le contraire du virtuel comme du réel. Rob Shields fait valoir que l’opposé du virtuel est le matériau car il existe d’autres réalités telles qu’une probabilité (par exemple, les « risques » sont des dangers réels qui ne se sont pas encore matérialisés, mais il existe une « probabilité » qu’ils le feront).

Le virtuel est beaucoup plus qu’un terme technique ou de communication. Martin Luther affirmait dans ses écrits Le sacrement du corps et du sang du Christ – contre les fanatiques avec d’autres protestants, notamment Zwingli, sur le virtualisme de l’Eucharistie chrétienne, en harmonie avec la tradition catholique, que l’Eucharistie était en réalité et non virtuellement le corps et sang du Christ.

Selon Massumi dans « Parables for the Virtual », le virtuel est quelque chose « inaccessible aux sens » et peut être ressenti dans ses effets. Sa définition continue en expliquant la virtualité en utilisant une figure topologique, dans laquelle les images fixes de toutes les étapes de sa transformation superposées créeraient une image virtuelle. Sa virtualité réside dans son incapacité à être vu ou correctement représenté, mais peut être figuré dans l’imaginaire.