Thèmes du romantisme

Cet article spécialisé énumère les thèmes récurrents du romantisme dans l’art et la littérature. Thématiquement, à l’époque du romantisme, il y avait surtout un regain d’intérêt pour la peinture de paysage. L’expérience intense de la nature et l’émerveillement de sa grandeur étaient centrales. Cependant, les paysages n’étaient pas la seule chose, au contraire. Aussi divers que les traits stylistiques du romantisme, le choix des sujets des écrivains et des peintres est également large. En plus d’imposer des paysages et des panoramas, par exemple, ils ont souvent choisi des sujets littéraires et historiques. Ce choix est lié à l’enchantement du lointain, de l’inconnu, de l’imaginaire, comme une forme d’évasion. Les rêves et les cauchemars étaient également des motifs souhaitables. En outre, la «vue romantique» est revenue dans presque tous les autres thèmes concevables de la peinture, du genre aux marines et des portraits aux natures mortes. Il n’y avait pas de sujet exclu, tant qu’il pouvait servir de support à l’expression de ce qu’on appelait «l’âme romantique».

Il est frappant que le peintre romantique se soit aussi souvent penché sur le sujet, songeant mélancoliquement, dans les montagnes ou les ruines, parfois dans son propre atelier. L’autoportrait formait alors une confirmation de l’image habituellement créée du génie socialement isolé, encore méconnu, rempli de «weltschmerz». Un aspect important de la peinture romantique était le rôle changé de l’artiste lui-même. Le romantisme signifiait un nouveau style de vie, une vision différente du monde. Cela se manifesta entre autres par une grande envie de voyager parmi les peintres romantiques, qui voyageaient souvent en Italie, ou aussi dans la vallée du Rhin. A une époque où voyager en train n’était pas encore le cas, de longs voyages étaient faits , régulièrement même à pied. La nostalgie des lieux lointains soulignait «le désir romantique».

Amour
Dans le romantisme, l’amour tient une place très haute, il est idéalisé: «La réduction de l’univers à un être unique, la dilatation d’un être unique à Dieu, c’est l’amour» (Hugo, Les Misérables). Cet amour passionné ou au moins intense n’est pas exalté dans le mariage qui n’est qu’un arrangement froid et réfléchi excluant d’emblée l’exaltation des sentiments [réf. voulu].

Néanmoins, l’amour romantique est loin d’être idyllique: la violence de la passion est aussi la violence du désir; l’acte charnel est parfois décrit comme un viol ou comme un couplage de deux êtres en rut [réf. voulu]. Le héros romantique prend parfois par surprise celui qu’il veut, mais sans préméditation:

«Elle était si belle, à demi vêtue et dans un état d’extrême passion, que Fabrice ne put résister à un mouvement presque involontaire: aucune résistance ne fut opposée» (Stendhal, La chartreuse de Parme, II, XXV).

L’amour romantique est donc absolu et excessif comme celui de Ginevra pour Luigi dans La Vendetta d’Honoré de Balzac: La jeune fille a compris qu’un amour véritable pouvait seul dédaigner en ce moment les protestations vulgaires. L’expression calme et consciencieuse des sentiments Luigi a annoncé en quelque sorte la force et la durée.

Il subvertit la morale par sa brutalité et suscite des jalousies fatales par son inconstance; une source de souffrance et de jouissance violentes, il frappe parfois et tue d’un mot, comme Rosette, dans «Nous ne plaisantons pas avec amour, qui tombe mort quand celui qui demande sa main admet qu’il en aime un autre. est la seule fatalité invincible: elle est une avec l’impulsion vitale du bonheur, mais elle se métamorphose, dans le malheur, en une passion désespérée, avec son lot de crimes abominables, de meurtres, de trahisons, de suicides, de destruction de l’être aimé.

Décès
Dans le drame romantique, l’amour et la mort sont liés. Les histoires d’amour se terminent généralement par un suicide passionné, comme dans « Hernani » et « Ruy Blas » de Victor Hugo. Pour être romantique, la mort est un moyen de se débarrasser de tous vos problèmes. C’est le cas dans les histoires passionnées où l’amour est impossible. Cette mort est souvent associée au passage du temps, qui est aussi un thème majeur du romantisme. Elle est présente dans les poèmes sous le titre de « couchers de soleil couchants » de Victor Hugo, dans laquelle il aborde l’immutabilité de la nature face au temps.

Mal du siècle et de la mélancolie
Le romantisme exprime un malaise profond des hommes victimes d’un monde économique où il devient impossible de vivre dans la dignité. Musset dénonce ainsi le matérialisme bourgeois. Le progrès intellectuel accompli par les Lumières s’accompagne d’un vide spirituel, d’un profond ennui qui mène au suicide ou à la folie (voir Rolla de Musset):

« L’hypocrisie est morte, nous ne croyons plus aux prêtres

Mais la vertu est en train de mourir, nous ne croyons plus en Dieu.  »

Le malaise romantique offre cependant, pour certains, une beauté indéniable accompagnée d’un bonheur:

« La mélancolie est un crépuscule, la souffrance se fond dans une joie sombre, la mélancolie est le bonheur d’être triste. » (Hugo, Les Toilers de la Mer, III, II, I)

Quant à la femme, elle est un signe distinctif qui renforce son pouvoir de séduction et exprime pleinement la féminité:

« Les femmes à taille plate sont dévouées, pleines de finesse, enclines à la mélancolie: elles sont meilleures que les autres. » (Balzac, Le lys dans la vallée)

Mais par-dessus tout, dans le romantisme français, la mélancolie est le signe distinctif de l’artiste: il est déjà spleen (voir plus loin Baudelaire) sans cause précise, état morbide où l’on ne porte plus, où la solitude est un enfer, où la conscience du temps qui passe, la misère de l’homme ou la cruauté de la nature submergent l’esprit et lui inspirent des tentations de révolte politique ou de suicide, à moins qu’il ne sombre dans la folie. Ce mal est lié à la condition humaine, et cette expérience de la douleur est inséparable de la vie et de son apprentissage; c’est une fatalité qui doit être expiée, une punition mise en scène lors de notre passage sur terre.

Certains romantiques, dont le philosophe danois Kierkegaard, font la distinction entre le plaisir et le bonheur. Ces deux principes, souvent confondus depuis l’Antiquité, où le bonheur est considéré comme le maximum de plaisir mathématique, sont différenciés par le romantique, qui ne trouve pas le bonheur dans le plaisir, bien au contraire. Comme on le voit à Stendhal, le héros romantique s’ennuie des plaisirs, des femmes, du luxe, des jeux. Pour lui, seul l’inaccessible a de la valeur, et c’est pourquoi il ne trouve le vrai bonheur qu’en l’absence de plaisir: Julien Sorel, comme Fabrice Del Dongowill ne se réjouit qu’en prison, l’un condamné à mort et l’autre amoureux d’une fille qu’il voit de loin sans espoir de pouvoir jamais l’atteindre. Ainsi, le romantisme est très opposé à la raison: le romantique est un héros lucide et déraisonnable, et qui prend plaisir à l’être, parce qu’il ne trouve la beauté ou l’intérêt philosophique que dans l’absurde, dans ce qui le dépasse.

Révolte et société
La mélancolie romantique traduit l’inconfort de l’individu qui est incapable de vivre en société. La sensibilité romantique se révolte contre un système politique qui anéantit l’artiste en se consacrant à la gloire de la nation. C’est révolte par dégoût, dégoût de la cupidité bourgeoise, de la société moderne, dégoût d’un présent qui n’a ni passé ni avenir, à la fois plein de ruines et d’espoirs incertains: «nous ne savons pas, chaque pas que nous faisons, marcher sur une graine ou des débris., Confessions).

Dans cette révolte, le romantisme se radicalise parfois en un individualisme hostile et niant qui s’exprime par des cris de colère:

Malheur aux nouveau-nés!
Malheur au coin de la terre où la graine germe,
Où tombe la sueur de deux bras émaciés!
Maudits soient les liens du sang et de la vie!
Famille maudite et société! (Musset, premiers poèmes)
Cette révolte conduit à une morale hédoniste, sentimentale, par laquelle l’individu retombe sur les plaisirs du cœur. Il devient la substance même de la vie, au point de ne laisser d’autre alternative que la révolte ou la mort. Cet esprit de négation trouve son incarnation la plus expressive dans la figure de Satan (Hugo), la révolte suprême, et Mephistopheles (Goethe) l’esprit qui nie toujours. Vautrin (Balzac) qui lance un défi à l’ordre établi est appelé « le mal comme le diable ». La tentation de la chute, de la révolte absolue incarnée par Satan, fascine le soulromatique: réaction naturelle de la créature contre son créateur, contre cet «ogre appelé Dieu» (Petrus Borel), parfois rejeté en faveur de la prière (Hugo ):

Seigneur, je reconnais que l’homme délire,
S’il ose murmurer;
J’arrête d’accuser, j’arrête de maudire,
Mais laisse moi pleurer!
Par exemple, dans « Hernani », le héros « se révolte » contre le roi, Don Carlos, qui veut voler Doña Sol …

Infini et néant

La contemplation de la nature prend dans l’âme romantique une dimension métaphysique qui la confronte à l’infini. Mais c’est aussi une vision intérieure, résultat de la sensibilité ressentie plutôt que vue, parce que l’infini touche d’abord l’âme plutôt que les sens et se rapporte à une conviction intime qui se tourne vers Dieu.

Ce contact de l’âme révèle à l’homme son néant et la faiblesse de sa pensée qui le fait souffrir en lui faisant comprendre qu’il n’est rien. Cette petitesse peut cependant être réconfortée par un sentiment panthéiste:

Et devant l’infini pour qui tout est pareil,

C’est aussi génial d’être un homme que le soleil! (Lamartine, harmonies poétiques et religieuses)

Cette vision peut aussi faire du poète un magicien: l’infini est ainsi le centre de la collection d’Hugo, Les Contemplations. L’esprit s’arrête «égaré au bord de l’infini» et accède aux vérités qui lui sont révélées par la nature en le dissimulant.

La nuit est pour la sensibilité romantique une temporalité particulière qui favorise les fantasmes, les rêves et les cauchemars; la nuit est à la fois douce ou terrible, évoque l’amour ou la mort. Gérard de Nerval exprime à Sylvie le bonheur d’une fête nocturne: «Nous pensions être au paradis».

Mais Charles Nodier écrit à Smarra: «Il fait noir! … et l’enfer rouvrira!

Hugo commence l’épopée de Satan avec le poème « Et nox facta est », qui fait de la nuit le lieu de la damnation et l’œuvre de l’ange déchu.

La nuit ambiguë est propice à l’évocation des morts:

« Je pense à ceux qui ne sont plus: Lumière douce, es-tu leur âme? » (Lamartine, Méditations poétiques, « Le Soir »)

La lumière de la nuit, la clarté lunaire excite des rêveries mélancoliques où la présence des morts est sensible. Cette situation donne lieu à une réminiscence qui ramène des souvenirs, du bonheur perdu, et teint le présent avec le charme du passé.

Rêves et cauchemars
Le rêve et la rêverie sont au centre de l’imagination romantique. Source de création, la rêverie excite l’imagination pour recréer le monde; c’est souvent une rêverie mélancolique et triste, comme en témoigne Marceline Desbordes-Valmore:

La tristesse est rêveuse, et je rêve souvent;

La rêverie amène l’homme à la méditation face au grand spectacle de la nature: il le met devant les mystères de l’existence. Ce «Stimmung» est proche d’un sentiment d’exil et de voyage: un «voyage sombre» à partir duquel «la poésie naît proprement» (Hugo). Mais la rêverie est aussi un refuge et un rempart contre la réalité; pour Musset par exemple:

Ah! si la rêverie était toujours possible!

Et si le somnambule, tendant la main,

N’a pas toujours trouvé la nature inflexible

Qui frappe son front contre une colonne de cuivre. Page d’aide sur l’homonymie.

La rêverie est donc un état privilégié douloureux et inspirant, comme le rêve, parfois doux et enchanteur, parfois terrifiant et terrifiant. Cette dualité, chez Nodier, permet de tenter une esthétique du fantastique en puisant aux sources «d’une vraisemblance fantastique ou vraie» .Le rêve fantasmatique se retrouve aussi chez Gautier, par exemple dans «Le pied de la momie» (1840). ), où la réalité et le rêve sont difficiles à distinguer dans l’esprit du héros romantique: c’est un état psychologique proche d’une démence fantastique, danger du créateur s’il s’abandonne au délire de l’inspiration: «Il aurait pu sans cette tendance fatale, à être le plus grand des poètes; il n’était que le plus singulier des fous.  »

L’est
L’exotisme imaginaire de l’Orient a été poussé à ses plus hauts degrés par les représentants du courant romantique. Le xix e siècle a été accompagné d’une profusion d’objets et d’histoires de toutes les parties du monde, qui ont nourri l’imaginaire en Europe sans avoir à s’y rendre. Voir l’article Orientalism. A lire pour ce thème: Les Orientaux de Victor Hugo.

La nature
Avec les romantiques, le thème de la Nature devient majeur.

La nature est, pour de nombreux poètes du début du xix e siècle, l’incarnation la plus tangible de Dieu. C’est par elle que, comme on le voit chez Hugo et Lamartine, le divin exprime le mieux sa grandeur. C’est un lieu propice à la méditation, à la mélancolie rappelée par le cycle des saisons.

Mais pour la plupart des romantiques, le spectacle de la nature renvoie à l’homme lui-même: l’automne et les couchers de soleil deviennent des images du déclin de nos vies, tandis que le vent qui gémit et le roseau gémissant symbolisent les émotions du poète lui-même. Même dans la musique, surtout dans la pastorale de Beethoven, c’est bien moins une description des paysages ruraux qui doit être comprise comme l’écho de la sérénité ou de la colère éprouvée par un homme. C’est la théorie du paysage-état.

La nature, enfin, est un lieu de repos, de recueillement; en nous y arrêtant, nous oublions la société, les soucis de la vie sociale. Il est également naturel à l’esprit antique qui se fie plus facilement à un lac en tant qu’ami de la chair et des os. C’est le signe, en même temps, du mépris des romantiques pour l’univers social et le goût de ces poètes pour la méditation, pour un retour à soi que la nature, comme un miroir, ne fait que favoriser.