Max Jacob et ses amis, Musée des Beaux-Arts de Quimper

Une salle du musée est dédiée à Max Jacob, originaire de Quimper. Il existe de nombreuses œuvres de Jacob lui-même (gouaches, crayons, gravures, etc.) et de son entourage: notamment par Jean Cocteau (dessins), Picasso (trois gravures), Roger Toulouse et Amedeo Modigliani (dessin).

Biographie
Max Jacob, né le 12 juillet 1876 à Quimper et mort le 5 mars 1944 à Drancy, est un poète et romancier moderniste mais aussi un peintre français.

Max Jacob est un précurseur de Dada et du surréalisme sans y adhérer. il bouleverse son vers libre et burlesque la poésie française en 1917, après avoir abandonné sa carrière. Artiste vivant principalement de sa peinture, assimilée à l’École de Paris, il devient à partir de 1934 un influenceur épistolaire, notamment sur Jean Cocteau, et prolixe, dont la théorie esthétique, au-delà du mysticisme qui anime son écriture, sert en 1941 de fondation de l’école de Rochefort.

il mène à Saint-Benoît-sur-Loire la vie monastique d’un oblat séculier attaché à l’abbaye de Fleury. Sa poésie témoigne donc du quasi-quiétisme dans lequel il assume douloureusement sa vie de pécheur comme condition de sa rédemption.

Post symbolisme
Conçu à l’ombre d’Apollinaire et dans l’intimité de Picasso, le vers libre de Max Jacob, par sa simplicité et sa profusion, inscrit irrévocablement la poésie française dans l’art moderne. Il l’a fait de manière fracassante, bien que toujours confidentielle, quand, en 1917, pendant la Grande Guerre, un recueil de poèmes, ou textes se donnant pour tel, est apparu au cours de la décennie précédente, Le Cornet à dés. 1917 est l’année où La Jeune Parque, chef-d’œuvre de l’académisme mallarméen, révèle Paul Valéry.

Treize ans plus tôt, Max Jacob avait rejoint André Salmon, animateur, avec Paul Fort et Jean Moréas, du cercle de la revue post symbolisme Vers et prose. Tous les mardis, quelques abonnés du magazine se réunissaient à la Closerie des Lilas pour célébrer le vers libre et hermétique de Stéphane Mallarmé. Parmi les habitués, Henri-Pierre Roché, qui y présente Marie Laurencin, future sœur de voyance et de foi de Max Jacob, et qui fonde en avril 1917 avec Marcel Duchamp la première revue Dada, Rongwrong. Par son titre, Le Cornet à dés répond au testament de Mallarmé, dont le poème graphique Un coup de dés heure ne n’ababol le Chance, inventant un processus de dérivation métonymique qui préfigure le calligramme, rompt avec la métaphore symboliste.

Cubisme littéraire
En 1907, Max Jacob invente le terme cubisme et se fait le chantre, comme Pierre Reverdy, d’une « littérature cubiste », c’est-à-dire une écriture où métonymie, allitération, contrepoint, jeu de mots, allusion, aphorisme, l’ellipse, l’antithèse, la parataxe multiplient les masques signifiants. Il l’explique. « La peinture cubismin est l’art de travailler la peinture par elle-même en dehors de ce qu’elle représente et de donner la première place à la construction géométrique, en procédant uniquement par allusion à la vie réelle. Le cubisme littéraire fait de même dans la littérature, en utilisant la réalité uniquement comme un moyen et non comme fin. « .

Cette distance, ou « marge », entre le poème, même l’œuvre d’art en général, et ce qu’elle représente, est un espace de rêverie et procède d’une distanciation qui est plus que l’effet de surprise brechtienne, un choix affirmé du l’artiste de «situer» son œuvre par rapport à la réalité qu’il décrit, qui peut être, par exemple, un degré défini d’abstraction, de non-sens ou d’humour, la seule libération possible du dérisoire et du tragique du monde et avant tout engagement . Max Jacob appelle cet écart entre le mot et la chose la situation du travail. C’est ce qui crée l’atmosphère de l’œuvre et, plus que le style, propre à l’auteur qui séduit, lui donne sa puissance intrinsèque, gagne le lecteur ou le spectateur. C’est ce qu’il signale à la copie de Georges Simenon qui commence à inventer ses romans policiers sans intrigue. C’est ce qu’il admire dans le précurseur du Nouveau roman qu’est Tropismes de Sarraute puis dans le premier roman existentialiste qui est L ‘, un auteur qu’il soutient depuis 1932 et qui lui a beaucoup pris.

Max Jacob est ainsi amené à se méfier de toute rhétorique qui ne ferait pas la première place dans la rigueur de l’écriture que seul son objet exige et refuse de s’inscrire dans tout mouvement littéraire ou artistique, allant jusqu’à affirmer « Quelle bonne humeur que Cubisme et cézannisme; seul l’amour compte, le reste est de faire un chef-d’œuvre; le chef-d’œuvre n’est pas prévisible. « , Comme dire une mode, ou le hasard. Pour la même raison, il ne rejoint pas le groupe des surréalistes, qu’il reproche de manquer de cœur.

L’émotion comme culte du Sacré-Cœur
En effet pour Max Jacob, pas les artifices de l’écriture, comme l’écriture automatique ou tout autre processus, mais l’émotion, littéralement ce qui vous fait sortir de vous-même, « l’émotion est l’ensemble des œuvres ». Cependant, il a dit que l’un était la condition nécessaire pour l’autre. «L’émotion ne suffit pas en soi, contrairement à ce que je croyais depuis longtemps. Il faut de l’art! « . Il n’en demeure pas moins que » […] l’union de l’esprit et de la matière est la vraie réalité du poète: la réalité spirituelle. L’émotion artistique est donc un signe que la vie prend conscience de la vie et y participe ».

Max Jacob compare cette émotion artistique, cette élévation de l’âme suscitée par l’œuvre d’art, au coup de lance donné au Sacré-Cœur, blessure ultime par laquelle la divinité « fait homme » est séparée du cadavre et de l’esprit, de péché. Il voit dans le Sacré-Cœur le lieu d’une union de matière et d’esprit, de sensibilité et d’intelligence, qui se traduit en art par «l’intelligence concrète», qui est poète de l’intelligence. Le poète donne vie aux idées et l’esprit à la vie.

Les symboles du Sacré-Cœur, avec lesquels il mêle considérations alchimiques et astrologiques, sont au centre de la théorie esthétique de Max Jacob mais aussi d’une éthique de la compassion, l’émotion poétique n’étant pas un moment d’effusion sentimentale mais une recherche d’intériorité. Max Jacob ajoute une préoccupation politique, voire eschatologique, en espérant que le culte du Sacré-Cœur convertit une France, qu’en écrivain fin de siècle juge hédécent, à une intelligence au service de la charité et donc l’hitlérisme soit vaincu.

Le nouveau lyrisme de l’œuvre «plafond»
C’est dès 1904 91 que Max Jacob développe, sans jamais cesser de versifier, son esthétique du poème en prose, et dépouille le vers mallarméen de sa préciosité en lui donnant la vigueur d’un fantasme enfantin.

Admirateur de Vigny, il le fait moins par une volonté de rupture avec le romantisme ou le symbolisme que par la recherche du moment où le langage reflète un dépassement de conscience emporté par les sentiments. Il appelle le lyrisme ce croisement, propice à la rêverie, de la limite de ce que l’on peut dire par le son de la langue, qu’il repère chez «le seul poète lyrique de langue française», Apollinaire. «Je veux dire par le rayonnement lyrique, ce la folie, cette exaspération de plusieurs sentiments nobles qui, ne sachant pas s’exprimer, trouve un débouché dans une sorte de mélodie vocale dont les amoureux de la vraie poésie ressentent le dessous, la légèreté, la plénitude, la réalité: c’est du lyrisme. dans le monde et très peu même parmi les très grands poètes, il n’y en a pas chez Hugo, ce rhétoricien.  »

C’est un nouveau lyrisme en ce sens qu’il ne s’exprime pas par le développement de la phrase ou de la strophe autour du thème qui suscite l’émotion mais par le choix d’une épithète qui ouvre l’imagination sur un sens inconscient ou caché. C’est un lyrisme des idées mais un antilyrisme des mots. Cette avarice des mots, cette effacement des effets de style et des artifices rhétoriques, vise à concentrer l’effort d’écriture, à travers des images concrètes, sur ce que Max Jacob appelle la «découverte d’idées», et qu’il compare à un plafond au-delà duquel la vision se perd. C’est l’univers spirituel du poète, ce qu’il est en tant qu’homme, et pas seulement son art, en même temps que sa capacité à en faire un objet étranger à lui-même, qui donne à une œuvre du «plafond».

Une esthétique de la transfiguration
Max Jacob, « purifiant la fascination idolâtre pour emprunter un chemin de contemplation », illustre et défend un art poétique où l’art « sans art » a tendance à s’estomper devant la révélation mystique, la transfiguration de l’être le plus quotidien et son indicible.

Dès 1922, comme le montrent ses lettres au futur historien du monde du cirque, Tristan Rémy, il devient le pédagogue de la poésie lyrique dont l’émotion est le but, le but premier au moins. «Le surréalisme et l’anti-surréalisme sont morts. La poésie (qui a pris et qui va devenir très importante) sera une poésie d’émotion, de séquences et de variations syntaxiques dues aux sentiments. « Son travail d’essayiste et de rédacteur de lettres est ainsi devenu la source d’un mouvement littéraire plus sensible à la poésie du quotidien que le rôle politique du poète. Ce n’est que pendant l’Occupation que cette jeune génération, qui, sans toujours suivre le maître en ses constructions métaphysiques et religieuses, ne nient pas son héritage symboliste, s’affirmeront sous le nom de l’école de Rochefort.

De même que sa peinture ne rivalisera jamais avec celle de Picasso, l’œuvre littéraire de Max Jacob reste cependant, comme par l’effet d’une névrose d’échec ou d’un sentiment mélancolique d’autodérision et d’humilité, dans le sillage des inventions d’Apollinaire . Si dans le prolongement de la théorie des correspondances, Max Jacob aborde des disciplines et des genres différents, en devenant peintre, librettiste et parolier, il reste avant tout un écrivain dont l’utrapélie cache une foi candide et inquiète, à l’écoute des mystères occultes.

« L’essence du lyrisme est l’inconscience, mais l’inconscience supervisée. »

Max Jacob et Quimper
Quimper, berceau du poète Max Jacob occupe une place majeure dans sa vie et dans son œuvre. D’innombrables poèmes, un roman, une pièce de théâtre pour décrire chaque recoin et son quotidien, la rue du Parc, les passerelles sur l’Odet, le nouveau théâtre, les ruelles de Locmaria, les ruelles qui descendent du lycée … Max Jacob revient régulièrement à Quimper, y retrouve ses amis et sa famille.

De Paris à Saint-Benoît-sur-Loire
Grâce à de multiples dons et legs des amis de Max Jacob et à quelques acquisitions, le musée présente une série de photographies, lettres, petits objets et les souvenirs les plus divers qui témoignent de la vie du poète: le livre de pension, y compris le la couverture sert de palette, un minuscule autel, l’étoile jaune, le chapelet qu’il tenait dans ses mains à sa mort, la croix d’Ivry … Sont évoqués la vie à Paris rue Ravignan près du Bateau-Lavoir où avec Picasso et Apollinaire, il a contribué à jeter les bases de «l’art moderne», les deux longs séjours à Saint-Benoît-sur-Loire et les fréquents déplacements à Quimper et Douarnenez.

Le Portrait de Max à l’étoile jaune par Jean Boullet est un témoignage écrasant des derniers jours de Max Jacob décédé au camp de Drancy en 1944.

peintre non reconnu
Au contact de ses amis peintres, Max Jacob commence à dessiner, notamment à la gouache. En plus de son travail poétique, il mène une carrière de peintre, exposant régulièrement, vendant d’innombrables petites gouaches. Paysages de Paris et de Bretagne ou fresques romanes, Max Jacob se contente souvent de «copier» des photographies. Mais il peut échapper à cette écriture un peu fastidieuse pour traduire des scènes de la vie quotidienne avec joie et liberté. Plus tard, dans les années 1930-1940, il revient à des recherches formelles appelées « cubistes » basées sur des jeux géométriques.

Les amis de Max Jacob
Les amis de Max Jacob sont présents à travers plusieurs portraits peints ou dessinés par Roger Toulouse, Christopher Wood, Jean Cocteau ou Pierre de Belay. Max Jacob, lors de ses séjours à Quimper, retrouve également le céramiste italien Giovanni Leonardi à qui il a fait connaître la poterie locale.

Jean Moulin
De 1930 à 1933, Max Jacob rencontre régulièrement le docteur Tuset et Jean Moulin à Quimper. Lors de son séjour en Bretagne, ce dernier a illustré des poèmes de Tristan Corbière, « Armure », extraits d’Amours Jaune, notamment le fameux « Rapsode foraine » qui dépeint les mendiants avec pardon de Sainte-Anne-la-Palud. Les études de ces étonnantes illustrations sont entrées dans les collections du musée grâce à l’héritage de Laure Moulin, sœur de Jean Moulin.

Pierre de Belay
Le peintre quimperois Pierre de Belay, fidèle ami de Max Jacob, occupe une place particulière dans cet ensemble. De nombreuses peintures et dessins donnés au musée par Hélène de Belay permettent d’apprécier ses différents talents: évocations de l’animation des ports et marchés de Cornouaille, scènes parisiennes, tableaux « treillis » des dernières années, portraits de Max Jacob dont le célèbre Portrait prophétique, estampes ou scènes de la vie judiciaire. Enfin, un autre Quimpérois, Jean Caveng, retrace les portraits des acteurs Quimpérois du célèbre Terrain Bouchaballe, roman et pièce de son ami Max Jacob.

Musée des Beaux-Arts de Quimper
Le Musée des Beaux-Arts de Quimper est un musée d’art situé à Quimper. Il est né en 1864, grâce au comte Jean-Marie de Silguy qui a légué toute sa collection à sa ville natale, à la seule condition qu’un musée y soit construit pour y accueillir ses peintures et dessins. Il est aujourd’hui l’un des plus grands musées d’art de l’ouest de la France, avec de riches collections de peinture française (notamment du 19e siècle), italienne, flamande et hollandaise du xiv e siècle à nos jours.

Au milieu du XIXe siècle, Quimper, préfecture du Finistère et capitale des Cornouailles, est une ville modeste de 12 000 habitants. Il peut être comparé aux capitales régionales comme Rennes et Nantes, où sont créées à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle les premières collections muséales issues des saisies parmi les émigrés des biens de l’Église et des dépôts du Musée Central des Arts.

A Quimper, considérée par Jacques Cambry comme une « ville sans fortune et sans enthousiasme pour les arts », le peintre François Valentin (1738-1805) tente, au cours du parcours, de créer un musée à partir d’œuvres anciennes récupérées dans la région. Mais sans moyens et sans assez de travaux, son projet a échoué. Au milieu du XIXe siècle, les yeux sont plus enclins à l’archéologie et à l’histoire locale. En 1862, le Conseil général du Finistère vota le principe de la création à Quimper d’un musée départemental, consacré essentiellement à l’archéologie finistérienne, qui recevrait les collections réunies depuis 1845 par une savante société archéologique du Finistère, et conservées dans une salle le collège des filles.

A l’exception des villes de Saint-Malo qui se sont engagées, en 1861, à collecter quelques portraits et souvenirs historiques, et de Vannes où sont stockés depuis 1826 des objets archéologiques recueillis par des polymathes du Morbihan, aucun musée n’existe en Bretagne à l’ouest de la ligne Rennes-Nantes lorsque Quimper décide de créer un musée des beaux-arts en 1864.

Cette création est exceptionnelle. Il ne s’agit pas de regrouper quelques œuvres locales et quelques dépôts de l’État, mais de recevoir l’importante collection de Jean-Marie de Silguy qui vient de disparaître: 1200 peintures, 2000 dessins, 12000 gravures et plusieurs dizaines d’objets d’art.