Histoire de la Belle Epoque

La Belle Epoque est un chrononyme rétrospectif de la période de progrès social, économique, technologique et politique, principalement en France et en Belgique, s’étendant de la fin du XIX e siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914.

Le terme correspond aux Britanniques à la fin de l’époque victorienne et à l’époque édouardienne, pour les Allemands il s’agit du wilhelminisme, mais l’expression française est comprise et utilisée dans la plupart des pays européens.

Création du terme
L’expression serait née à la fin des années 1930 (selon Dominique Kalifa, la première utilisation sans équivoque provient d’un programme radio intitulé « Ah la Belle Époque! Sketch musical des années 1900 » présenté par André Allehaut à Radio-Paris en novembre 1940) pour évoquer les quinze années qui précèdent la Grande Guerre 1. Dans cette appellation rétrospective, il y a une part de réalité (expansion, insouciance, foi au progrès, gaieté, etc.) et une part de nostalgie pour un temps rêvé.

Cependant, pour les historiens Jean Garrigues, Philippe Lacombrade et Dominique Lejeune, l’expression serait plutôt née en 1919.

En Europe
Général: une période de paix
Après la guerre franco-prussienne, l’Europe vit une longue période de paix qui dura quatre décennies, quelque chose de rare et favorable au progrès économique et technique. Tous ces progrès concernent la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche-Hongrie en particulier.

Dans toute l’Europe, la force de travail est organisée en syndicats ou en partis politiques: c’est durant cette période qu’apparaissent les premiers partis socialistes européens, de plus en plus influents.

Les populations de cette période sont très optimistes et insoucieuses pour l’avenir, grâce à des progrès techniques extraordinaires. Le positivisme et le scientisme sont apparus. La Belle Epoque se fait sentir principalement sur les boulevards des capitales européennes, dans les cafés et les cabarets, dans les ateliers et les galeries d’art, dans les salles de concert et les salons fréquentés par une bourgeoisie moyenne qui profite du progrès économique.

La Belle Epoque: la France de 1879 à 1914
Intégration provinciale et questions sociodémographiques
Après la Grande Dépression de 1873 à 1896, la France entre dans une période de croissance soutenue dans le cadre de la deuxième révolution industrielle, dans le contexte de l’expansion internationale galopante de la place financière de Paris.

La France a été considérablement agrandie pendant le Second Empire. Il a acquis Nice et la Savoie, mais il perd l’Alsace-Lorraine (département actuel de la Moselle et de l’Alsace en tout sauf le territoire de Belfort) avec le traité de Francfort de 1871 et il tombe dans un nationalisme revanchard, beaucoup moins généralisé, cependant, ce n’est pas suggéré aujourd’hui.

L’espace national s’unifie en intégrant les nouvelles provinces et la campagne. Ainsi le tacot, dont le réseau ferroviaire est plus dense, contribue à l’ouverture de la campagne (plan Freycinet). En effet, la population, qui s’urbanise progressivement, reste largement rurale (56% en 1911). D’un autre côté, la démographie française reste faible.

La population française, toujours très hiérarchisée, prend conscience de l’appartenance à une même nation et acquiert la fierté d’être une grande puissance. Les classes moyennes exercent un poids important dans les conditions de la vie politique nationale, marquées par la constitution de nouveaux partis libéraux (modérés et radicaux), avec un large consensus républicain et patriotique.

Paris est une ville en pleine urbanisation et modernisation, à l’image de la France. Elle seule incarne le prestige de la France à la Belle Epoque. Fortement rénovée par Haussmann, la capitale se peuple de plus en plus.

Ce constat positif doit cependant être nuancé car il existe en France un indéniable retard économique dû à des problèmes démographiques (peu de naissances, malthusianisme), à ​​des problèmes structurels (majorité des très petites entreprises, très peu de salariés et un artisanat). très attaché à la tradition qui ralentit la production), malgré de nombreux investissements à l’étranger (les prêts russes), et dans le domaine de l’agriculture (trop de main-d’œuvre agricole: 40% des actifs travaillent contre 32% seulement secondaire et 28% tertiaire). Ce retard dans l’agriculture est dû aux petites propriétés héritées pendant la Révolution de la vente des domaines cléricaux, sur lesquels la polyculture et l’agriculture extensive sont pratiquées; de plus, la mécanisation agricole, bien qu’existante, reste minoritaire. La France reste la quatrième puissance mondiale. De 1871 à 1913, le taux de croissance du PIB par habitant (1,4% par an) est inférieur à celui de l’Allemagne (1,7%) mais supérieur à celui du Royaume-Uni (1,2%).

La République Souveraine et Libérale
La culture politique dominante était la République 4, sous la forme française de la démocratie libérale avec un large consensus patriotique.

La culture républicaine a été progressivement imposée par l’enracinement dans les festivals, les rites et les symboles nationaux, tels que La Marseillaise (hymne national en 1879) et la fête nationale du 14 juillet (fête nationale en 1880). La culture républicaine était héritée du libéralisme des Lumières et était basée sur le positivisme. La culture dominante a essayé de répondre aux attentes de la classe moyenne et de la classe moyenne en protégeant les droits des individus et en promouvant la liberté d’entreprise. Il a joué un rôle décisif sur la laïcité, l’éducation publique et la formation des citoyens.

Le président du Conseil et l’ancien ministre de l’éducation, Jules Ferry, ont établi plusieurs lois majeures, la loi du 21 décembre 1880 qui ouvre l’accès à l’enseignement secondaire public pour les filles, la loi du 16 juin 1881 instituant l’enseignement primaire gratuit; enfin la loi du 29 mars 1882 qui rend l’éducation publique, laïque et obligatoire. La sécularisation opérée par Jules Ferry n’a fait que réduire la place de la religion dans la définition des normes de la connaissance, des mœurs et de l’espace public en général.

Les émeutes ouvrières de juin 1848 et la Commune de 1871 ont longtemps cultivé une légende noire et un souvenir effrayant pour les principaux acteurs de la Troisième République. Dans ce contexte, le ministre Pierre Waldeck-Rousseau abolit la loi Le Chapelier (1791) le 21 mars 1884 et autorise les syndicats.

Les démocrates sont incarnés entre autres par Édouard Herriot et Anatole France. D’autres cultures politiques nourrissent la vie politique: l’anarchisme, le socialisme, le radicalisme, le pacifisme, le patriotisme et le nationalisme (Maurice Barrès, Jacques Bainville, Action française); Des événements politiques majeurs, tels que l’affaire Dreyfus ou l’affaire Boulanger, alimentent un mouvement antiparlementaire de la gauche et de l’extrême gauche, né du scandale du Panama.

L’affaire Dreyfus a durablement marqué les esprits, tant par son hostilité que par son intensité, et malgré la grâce présidentielle accordée à l’armée le 19 septembre et sa libération le 21 septembre 1899, cette affaire a entraîné la formation de deux blocs antagonistes en France. sur un fond religieux.

Après l’affaire Boulanger, la droite devient dominante notamment en récupérant le flambeau nationaliste, et parce que les penseurs républicains sortent de l’affaire Dreyfus. Beaucoup d’intellectuels se tournent vers la droite (Charles Péguy, Daniel Halévy).

La France connaît une certaine division religieuse 10 au début des années 1900, parfois appelée «guerre des deux Français». L’année 1902 voit la victoire aux élections du Bloc des Gauches et la nomination au poste de président du Conseil d’Émile Combes, figure de radicalisme et anti-clérical convaincu. La place de l’Église catholique dans les affaires politiques provoque de violentes querelles («le cléricalisme, c’est l’ennemi!») Entre partis cléricalistes et groupes politiques anti-clérical, souvent à gauche et représentés à la Chambre. députés. L’anticléricalisme est donc la réaction contre cette tendance à subordonner la politique à la religion. Par exemple, Quinet voulait détruire toutes les églises et instituer l’athéisme et la laïcité appliqués à la société dans son ensemble. Ces attaques frontales conduisent à la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, dont la loi de 1882 sur l’éducation publique, laïque, gratuite et obligatoire de Jules Ferry constitue pourtant la véritable origine de la sécularisation concrète. La laïcité, telle qu’elle a été construite en France à partir de cette loi, a assuré la liberté de conscience et d’expression de chacun.

La France de la Belle Epoque est aussi l’un des grands empires coloniaux de l’époque. Cet empire est exposé pendant les expositions mondiales. La colonisation était alors souvent perçue comme positive parmi une certaine élite républicaine, souvent de gauche, et les critiques mettaient du temps à se mettre en place, mais elles existaient. Georges Clemenceau (parti radical) s’y opposa avec véhémence lors des contestations oratoires contre Jules Ferry, la droite monarchiste (Maurras, Barres) et une frange marginale de la gauche marxiste ou la masse des paysans et ouvriers ont toujours été contre la colonisation à la Belle Epoque.

Un lent changement dans la société
Une population rurale nombreuse et inhomogène
Les actifs agricoles représentaient encore 44% de la population totale en 1906, un peu plus tard (1911) 5,3 millions d’hommes et 3,2 millions de femmes.

Les situations personnelles sont assez variables, mais sur ce total, environ la moitié sont des travailleurs agricoles. Ce sont pour la plupart des domestiques, des «valets de ferme» qui s’engagent pour une année à la Saint Michel, lors de la «fête des valets».

Les conditions de vie sont difficiles, différentes d’une région à l’autre, un peu plus favorable dans les provinces de la vigne ou des céréales. Dans l’ensemble, c’est l’impression de grande pauvreté rurale, même parmi les propriétaires, compte tenu de la petite taille des exploitations qui domine.

La crise agricole, qui se manifeste dans les années 1890, favorise un exode rural déjà amorcé, alimentant les centres industriels en expansion ou le grand nombre de femmes (surtout de femmes) dans la bourgeoisie urbaine. Le désir d’éduquer les Français a conduit les différents gouvernements à généraliser les obligations scolaires à la campagne avec l’espoir d’homogénéiser les mentalités, voire de lutter contre les différences régionales et de brouiller l’empreinte des cultures provinciales (interdiction de parler breton même pendant les pauses). Ces projets coïncident avec le désir d’attacher un électorat stable à la République.

Une bourgeoisie urbaine triomphante
La haute société mélange l’ancienne aristocratie, bien établie par ses propriétés rurales dans les provinces, et la grande bourgeoisie d’affaires, capitaines d’industrie (Schneider par exemple) et hauts fonctionnaires, politiciens ou médecins célèbres constituent des élites qui partagent la fortune, le pouvoir et l’influence. le moment où Paris devient le lieu de toutes les spéculations internationales permettant un enrichissement rapide.

Les traditions familiales varient quelque peu pour chacun de ces groupes, mais elles partagent le même genre de vie et fréquentent les mêmes lieux. A Paris, ils vivent dans des demeures servies par de nombreux domestiques et animent la « saison », c’est-à-dire la période des réceptions et des spectacles qui ont façonné le mythe de la Belle Epoque. En été, ils s’installent dans leurs châteaux à la campagne ou dans les villas de la côte normande. Les stations balnéaires et stations balnéaires préférées sont Biarritz, Deauville, Vichy, Arcachon et la Côte d’Azur.

D’autre part, la moyenne et la petite bourgeoisie ont la particularité de ne pas travailler de leurs mains, de rechercher l’ascension sociale et d’aspirer à mener une «vie bourgeoise». En ce qui concerne les revenus disponibles, l’échelle est assez large: il y a de petits rentiers, des cadres et des ingénieurs, des entrepreneurs industriels mais aussi des fonctionnaires et des propriétaires ruraux vivant dans la ville.

Les mentalités, ou plus précisément la «morale bourgeoise» qui fait partie de la tradition française, appartiennent à ce groupe: c’est une vie fondée sur la respectabilité, le souci de l’épargne qui assure une certaine aisance et l’obsession des «bonnes manières» inculquées dans la famille.

Statut de la femme
La condition de la femme à la Belle Epoque est marquée par des changements politiques et sociaux qui affectent les femmes occidentales de manière disparate. La majorité des femmes (d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des sociétés rurales d’Europe orientale et méridionale) voient se perpétuer un système séculaire où la question de l’émancipation ne se pose pas et dont les missions sont d’assurer les tâches familiales et la maternité. Les pauvres femmes occidentales qui travaillent comme ouvrières affrontent, avec l’avènement de la deuxième révolution industrielle, des charges lourdes, dans des conditions souvent pénibles et sous-payées, avec l’apparition de la division sexuelle du travail. En Europe, la transition démographique affecte toutes les classes sociales, qui voient une baisse du taux de natalité. D’autre part, dans la bourgeoisie et l’aristocratie des grandes villes occidentales (Paris, Londres, New York ou Berlin) d’autres changements structurels se produisent: le rôle de la ménagère devient la norme, et même un objectif stratégique en raison de la quasi impossibilité pour que les femmes gagnent un salaire décent.

Dans le même temps, pour la petite bourgeoisie, il semble qu’il soit possible d’étudier et d’occuper de nouveaux emplois tels que l’enseignement ou le journalisme et, pour les plus aisés, une libération relative de la morale qui leur permet de se mêler plus facilement aux hommes. même à s’engager dans le sport public. D’autres encore s’engagent dans la politique, comme les suffragettes qui prônent le droit de vote pour les femmes, ou de manière plus radicale avec des socialistes comme Rosa Luxemburg pour une transformation de la société. Enfin, d’autres, comme Marie Curie dans les sciences, deviennent pionnières en étant les premières femmes à se faire reconnaître dans les milieux qui, malgré ces changements, restent à la veille de 1914 encore majoritairement masculins.

Un monde du travail avec de multiples visages et la recherche de structures
Des conditions très différentes
Les travailleurs ont formé 30% de la population pendant la Belle Epoque et se répartissent comme suit: environ 5 millions pour les hommes et 2,5 millions pour les femmes. Dans ces chiffres sont confondus les ouvriers des ateliers hautement qualifiés (artisans), les ouvriers de la grande industrie et les mineurs de fond. Tout les différencie: les salaires d’abord, qui sont aussi plus élevés à Paris qu’en province (presque le double pour un adulte).

Les femmes gagnent 30 à 50 pour cent moins que les hommes.

Les conditions de travail sont également très diverses: dans les ateliers, les travailleurs sont très proches de leur patron qui travaille avec eux depuis la fin de leur apprentissage, mais dans les grandes entreprises, la rentabilité est recherchée par tous les moyens et demande rapidité et efficacité machines plus dangereuses.

Malgré la dureté de leur condition, les travailleurs ont, depuis le Second Empire, amélioré leurs salaires (environ 60%) et leur vie quotidienne.

Les revendications des travailleurs
Malgré la faible proportion de travailleurs syndiqués avant 1914, certaines attentes sont partiellement satisfaites: les journées de travail sont réduites à des heures par jour pour les trois quarts des établissements et huit heures par jour pour les mineurs souterrains, le repos hebdomadaire est acquis depuis 1906. Mais les pensions et le chômage l’assurance ou les remboursements médicaux sont encore dans le domaine de l’utopie.

Les syndicats sont néanmoins assez combatifs au sein de la CGT. En 1906, la Charte d’Amiens, document fondateur, rappelle à tous que le syndicalisme est indépendant des partis politiques, que les travailleurs ont l’intention de penser et d’agir par eux-mêmes dans le domaine social mais aussi sur le plan politique en s’affirmant plus « révolutionnaire » que la SFIO au moins pendant les premières années.

L’originalité de la CGT réside également dans le fait qu’elle cible tous les métiers alors que la plupart des syndicats ne s’adressent qu’à une catégorie professionnelle. C’est aussi dans ce sens qu’il anime les Bourses du Travail dans les grandes villes industrielles.

Un riche culturel, de divertissement et d’inventions
Dans l’imaginaire français, la Belle Epoque reste le temps de l’avènement de l’idéal des Lumières (libéralisme et révolution de 1789) et d’une prolifération de réalisations artistiques et d’inventions.

La croyance en un progrès de l’humanité anime une bonne partie des élites françaises, notamment en science (positivisme). Construite pour l’Exposition universelle de 1889, la Tour Eiffel, symbole de Paris, fait de la capitale française la vitrine du monde et du progrès. Certains penseurs, avant ou après le carnage de la Grande Guerre, avaient cependant émis des réserves ou de l’ironie contre l’idée d’un progrès inéluctable (Bernanos).

Découvertes scientifiques importantes
Les scientifiques français ont toujours une place de choix dans la recherche scientifique européenne mais, contrairement aux périodes précédentes, ils ne travaillent plus isolément; la publication systématique de leur travail les met en contact rapide avec leurs collègues étrangers, ce qui accélère les progrès des programmes lancés par chacun.

Les congrès scientifiques leur permettent d’échanger leurs idées et les expositions universelles les font connaître du grand public et de l’industrie. Désormais, leur prestige est très grand et leur statut social change; ils deviennent les nouveaux personnages qui bénéficient de la reconnaissance et du respect des autorités. Ils sont honorés par leurs compatriotes et respectés internationalement.

Les ingénieurs qui les apportent aux entreprises acquièrent une nouvelle envergure; ils ne sont plus de simples « fonctionnaires » mais des innovateurs qui introduisent des techniques révolutionnaires de rentabilité ou de sécurité.

Les découvertes les plus importantes ont d’abord été appliquées à la vie quotidienne. C’est le cas du contrôle de l’électricité lorsque Marcel Deprez et Aristide Bergès développent un système de transport du courant. Les avantages de l’éclairage domestique et cette nouvelle forme d’énergie révolutionnent les techniques industrielles. L’électrométallurgie se développe et l’électrolyse transforme le travail de l’aluminium en abaissant le prix de revient de ce métal.

Dans le processus, les ingénieurs inventer la radio; la TSF (télégraphie sans fil) d’après le travail d’Édouard Branly et le cinéma dont la base d’opération est le contrôle du courant (techniques des frères Lumière en 1895).

Pour l’automobile, les ingénieurs déploient une énergie et une inventivité efficaces qui font d’eux les inventeurs du pneu démontable (Michelin en 1895) ou les acteurs d’améliorations notables pour le moteur à combustion interne comme Panhard et Levassor. Les frères Renault sont en France les pionniers de la fabrication industrielle de l’automobile. Ils contribuent à faire du pays l’un des mieux équipés, soit 100 000 voitures en 1914.

Quelques découvertes furent décisives pour les années à venir: les expériences de Clément Ader en 1903-1906 ont permis aux aviateurs Louis Blériot en 1909 de faire la première traversée de la Manche et à Roland Garros la traversée de la Méditerranée en 1913.

Pour la médecine, le travail des physiciens et des chimistes était essentiel: Pierre et Marie Curie isolèrent le radium en 1898 en travaillant sur les travaux de Becquerel qui montraient la radioactivité de l’uranium en 1896. Ils partagent aussi avec lui le prix Nobel de physique de 1903, pour la découverte de la radioactivité. Marie Curie obtiendra un deuxième prix Nobel en 1911 et restera la plus grande scientifique française de son temps avec Louis Pasteur.

Ils augmentent ainsi les possibilités d’utilisation des rayons X découverts en 1895 par l’Allemand Wilhelm Röntgen appliqués à la radiographie, dont l’utilisation se généralise pour la détection de la tuberculose.

Le prestige du monde intellectuel
Le terme «intellectuel» peu utilisé avant 1898 apparaît dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Il devient un substantif qui désigne aussi bien les hommes de science que les écrivains et quelques artistes, «hommes du pur travail intellectuel». Les romans suivent différentes tendances, le naturalisme de Zola voisin avec l’exotisme de Pierre Loti et des romans plus personnels comme ceux d’André Gide ou de Marcel Proust.

La culture française se distingue en tout cas par son caractère innovant et son rayonnement unique à l’échelle mondiale. Plusieurs mouvements d’avant-garde se développent. Dans les arts, on peut citer l’impressionnisme, ouvrant la voie au fauvisme, au cubisme, à l’expressionnisme et à l’art nouveau (Alfons Mucha, Hector Guimard, Eugène Grasset, Louis Majorelle). De grands marchands et des galeristes comme Ambroise Vollard ou des collectionneurs comme Gustave Fayet sont alors les fervents révélateurs de ces avant-gardes. Fayet rassemble près de soixante-dix œuvres de Gauguin et les prêtera pour les premières rétrospectives à Weimar, puis à Paris au Salon d’Automne en 1906.

Il y a une activité littéraire intense et excentrique: Baudelaire, le champion de la modernité parisienne, Léon Bloy, Pierre Louÿs et Octave Mirbeau, qui en ont fait un temps d’excès et de fantaisie. Victor Hugo et Émile Zola, intellectuels et écrivains, qui ont cru au progrès social et plaidé en faveur d’une société plus harmonieuse, et qui ne cesseront de dénoncer les conditions de vie déplorables de la classe ouvrière, marquent le siècle de Voltaire marqué au XVIIIe siècle .

Le théâtre et la poésie explorent aussi de nouvelles voies de dénonciation; c’est ce que veut Alfred Jarry avec Ubu King, où il ridiculise les dictatures.

La France connaît également une riche période de divertissement et de loisirs. Les Français s’amusent ou se réjouissent d’activités essentiellement ludiques, en dehors des contraintes de la vie sociale et professionnelle, avec le De Dion-Bouton, la «fée électrique», le premier tour de France … Les frères Lumière, considérés comme les inventeurs du le cinématographe, qui en ferait une invention française, présente ses films sur des écrans géants. Les cabarets du quartier de Pigalle tels que le Chat Noir (fréquenté entre autres par Verlaine et Satie), le Divan Japonais ou le Nouveau Athènes «encanaillent» leur public. Au Moulin Rouge, ouvert depuis 1889, Mistinguett a lancé la «brochette de valse» en 1907. Dans la plupart de ces endroits, il n’y a pas de scène jusqu’en 1918.

Les Jeux Olympiques, II e de l’ère moderne après ceux d’Athènes, ont lieu au Bois de Vincennes. Paris est la capitale mondiale du divertissement, de la mode et du luxe. En 1900, avec l’exposition universelle, la ville de la lumière est au sommet de son influence.
Une riche création artistique
Les impressionnistes ont ouvert la voie en 1874 en étudiant la variation des couleurs en fonction de la lumière. Auguste Renoir et Claude Monet continuent à travailler ainsi pendant la Belle Epoque.

Mais d’autres peintres ouvrent de nouvelles voies de recherche. C’est le cas de Gauguin, qui juxtapose des couleurs unies et simplifie la mise en page pour souligner l’authenticité des scènes. Cézanne et Van Gogh accentuent ces tendances en recourant à des couleurs très marquantes et à un design qui fait de Cézanne le précurseur des cubistes.

Les formes sont traitées par les cubistes d’une manière révolutionnaire; la vision du réel est éclatée, décomposée, à restructurer selon des conceptions intellectuelles où les formes nécessaires sont le cube, la sphère et le cylindre. Pablo Picasso et Georges Braque ou Juan Gris sont les maîtres de la tendance.

Les Demoiselles d’Avignon complétées par Picasso en 1907 sont considérées comme le premier manifeste cubiste. La construction de la peinture est rigoureuse, les lignes géométriques articulent la composition, l’emprunt du peintre aux civilisations africaines confère à l’œuvre un caractère étrange et très controversé lors de l’exposition.

Ce sont les Russes qui ont exploré toutes les possibilités de rejeter la réalité. Malevich utilise la couleur comme unique moyen de sa pensée et base la suprématie. Kandinsky en 1910 a enlevé toute représentation figurative, donnant la forme et la couleur le sens de « représentation graphique d’un état d’esprit »; il a ainsi fondé l’art abstrait.

Le succès des arts décoratifs
Parce que l’Art nouveau utilise des matériaux de l’industrie, tels que le fer ou le verre, qui sont faciles à travailler et offrent de nombreuses possibilités, il est très significatif de la Belle Epoque. Les arts décoratifs adoptent des motifs végétaux pour créer des objets utilitaires (meubles, vaisselle) traités comme des œuvres d’art. Les bouches de métro imaginées par Hector Guimard utilisent une forme de véganisme abstrait et les vases d’Émile Gallé (Ecole de Nancy) évoquent des silhouettes de fleurs. Les bâtiments de l’architecte Jules Lavirotte, en collaboration avec le céramiste Alexandre Bigot, prônent un style anti-académique à symbolisme érotique parfois exubérant. Quant aux bijoux de René Lalique, ils mêlent métaux précieux et corolles florales.

Une musique qui rompt avec le passé
La vie musicale française est d’une grande richesse mais reste concentrée sur Paris, reflétant autant l’influence internationale de la Ville Lumière que la centralisation politique, administrative et culturelle de la France. Ainsi, pendant les 200 jours de l’Exposition Universelle de 1900, seront donnés (en plus de trente concerts officiels) 360 séances symphoniques et 1 200 représentations d’opéra.

Si les compositeurs français les plus remarquables sont Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns, Claude Debussy et Maurice Ravel, il ne faut pas oublier Igor Stravinsky qui s’installe à Paris en 1908 et les Espagnols Isaac Albéniz, Enrique Granados et Manuel de Falla. Le pianiste espagnol Ricardo Viñes est également le créateur des deux grandes œuvres pour piano de Debussy et Ravel: Albeniz et Falla, qu’il a fait connaître en Europe et en Amérique latine.

Les grands salons parisiens donnent le ton de cette intense vie artistique; ceux de la comtesse Greffuhle, des princesses de Polignac et de Cystria, de Misia ou même de madame de Saint-Marceaux.

Si Debussy fait face aux critiques les plus sévères pour Pelléas et Melisande (1902), son Martyre de Saint Sébastien (1911) n’est pas mieux reçu. Mais c’est Igor Stravinsky qui déroute le plus avec L’Oiseau de feu, Petrouchka et surtout Le Sacre du printemps (1913), rompt avec la tradition.

Les premiers festivals de musique se développent dans le sud de la France, le théâtre antique d’Orange pour Chorégies et l’arène moderne de Béziers, où Fernand Castelbon de Beauxhostes monte des spectacles grandioses, comme la Déjanire de Saint-Saëns (1897), Parysatis (1902 ) ou l’Héliogabal de Déodat de Séverac (1910).

De 1909 à l’avant-garde de la création, les Ballets Russes de Sergei Diaghilev éblouissent la scène parisienne car ils suscitent parfois des réactions aussi horrifiées que le premier après-midi d’une faune, sur la musique de Debussy, où l’art du chorégraphe est dynamisé par le talent de Nijinsky.

Il y avait aussi une grande palette musicale populaire: des chansons d’amour, des comic troopers, des rengaines rugueuses, du chahut comique, des refrains répétitifs des vers de l’oreille et du ragtime.

Innovations sculpturales
Le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) incarne le prestige de l’art français de la fin du xix e siècle et du début du xx e siècle. Ses premières œuvres sont assez classiques dans leur facture, mais, des Bourgeois de Calais au Penseur, elles deviennent de plus en plus expressives. Les sentiments sont de plus en plus visibles pour devenir ce que Rodin voulait réaliser avec son Balzac. « La ressemblance … est celle de l’âme », écrit-il peu de temps après avoir terminé ce travail, qui est rejeté par les commanditaires de la Société des hommes de lettres.

Une «communauté d’artistes fructueuse, tous arts confondus, vivant à Paris ou dans les environs, en synergie et en compétition, a fait de l’innovation permanente le seul principe directeur capable de distinguer et de valoriser le travail artistique. , les industriels de la culture (cinéma, disque, presse, livre), les marchands et galeristes en tant qu’entrepreneurs, mécènes, collectionneurs et stylistes les mettent tous dans une proximité féconde et facilitent la relation entre offre et demande ». C’est donc une centralisation de la vie artistique, littéraire et culturelle qui caractérise cette extraordinaire prolifération de la Belle Epoque en France.

Nouvelles technologies
Une succession d’inventions va profondément changer le mode de vie. La photographie va générer le cinéma, le vélocipède se transforme en vélo, la réalisation de moteurs plus petits et légers permet le développement de motos, d’automobiles, d’avions. D’énormes progrès ont également été réalisés en chimie (Pierre et Marie Curie), en électronique et en fer et acier. Le développement de la médecine et de l’hygiène peut réduire la mortalité infantile et augmenter l’espérance de vie. La France est de plus en plus équipée en électricité. En 1895, la projection du premier film d’histoire à Paris marque le succès qui attend la cinématographie.

Les hommes de l’époque voient un espoir dans le développement de la technologie. pour eux, elle est capable de tout, même de ce qui était impossible un siècle auparavant.

Le phénomène des expositions universelles
Le xix e siècle a été le grand siècle du progrès. Pour célébrer les prodiges des arts, des sciences, de l’industrie et de l’agriculture, la France a invité toutes les nations à participer à l’Exposition universelle qu’elle a organisée à Paris. Tous ont répondu à cette invitation; ils ont voulu comparer les progrès de leur industrie avec ceux des autres nations. L’exposition de 1900 était une merveille. Le Champ-de-Mars avait son château d’eau et ses fontaines lumineuses qui, le soir, transformaient cette partie de l’Exposition en une véritable féerie, les quais de la rive gauche de la Seine étaient occupés par les palais des nations, chacun dans son architecture nationale.  »

– Jeanne Bouvier (1865-1964)

Les expositions universelles de 1889 (présentation de la Tour Eiffel) et 1900 (électricité) sont les symboles de la Belle Epoque.