Anamorphose

L’anamorphose est une projection ou une perspective déformée qui oblige le spectateur à utiliser des dispositifs spéciaux ou à occuper un point de vue spécifique (ou les deux) pour reconstituer l’image. Un anamorphisme optique est la visualisation d’une opération mathématique appelée transformation affine. Le processus d’anamorphose extrême a été utilisé par les artistes pour déguiser des caricatures, des scènes érotiques et scatologiques, et d’autres images furtives d’un spectateur occasionnel, tout en révélant une image non déformée au spectateur averti.

Une anamorphose est une déformation réversible d’une image à l’aide d’un système optique — par exemple un miroir courbe — ou une transformation mathématique. On appelle également anamorphose la déformation de l’image d’un film ou d’une émission de téléviser à l’aide d’un système optique ou électronique afin de l’adapter à un écran informatique ou de télévision (format large anamorphosé, format 4/3 ou 16/9). Le mot dérive du grec ἀναμορφόω, anamorphoein, « transformer ».

Certains artistes ont créé par ce procédé des œuvres déformées qui se recomposent à partir d’un point de vue préétabli. Historiquement, l’anamorphose est l’une des applications des travaux de Piero della Francesca († 1492) sur la perspective. En effet, c’est la rationalisation de la vision qui a conduit à systématiser les techniques de projection, dont les anamorphoses sont l’un des résultats. Cet « art de la perspective secrète »[citation nécessaire] dont parle Albrecht Dürer connaît des applications multiples, aussi bien dans le domaine de l’architecture et du trompe-l’œil que dans des utilisations utilitaires. Son premier théoricien fut Jean-Louis Vaulezard (xviie siècle). La dernière anamorphose murale subsistant en France (8 mètres de long) se trouve dans la chapelle des Jésuites du lycée du Sacré-Cœur à Aix-en-Provence.

Il existe deux principaux types d’anamorphoses: la perspective (oblique) et le miroir (catoptrique). Des anamorphoses plus complexes peuvent être conçues en utilisant des lentilles déformées, des miroirs ou d’autres transformations optiques.

Des exemples d’anamorphose perspectivale remontent au début de la Renaissance (XVe siècle). Des exemples d’anamorphose miroir ont été observés à la fin de la Renaissance (XVIe siècle).

Avec l’anamorphose miroir, un miroir conique ou cylindrique est placé sur le dessin ou la peinture pour transformer une image plate déformée en une image apparemment non faussée qui peut être vue sous de nombreux angles. L’image déformée est peinte sur une surface plane entourant le miroir. En regardant dans le miroir, un spectateur peut voir l’image non déformée.

Les anamorphoses sont utilisées en cartographie statistique pour montrer l’importance d’un phénomène donné : ce type de carte est couramment appelé un cartogramme. La carte ne représente alors plus la réalité géographique, mais la réalité du phénomène. Par exemple, une commune sera agrandie par rapport aux autres si elle contient plus de chômeurs que la moyenne des autres.

On réalise également des cartes en anamorphose pour percevoir les effets des réseaux de transport, par exemple le réseau de transport ferroviaire en France. Car les moyens de transport déforment l’espace : géographiquement, Marseille est plus loin de Paris que Périgueux, mais puisqu’on peut se rendre plus rapidement à Marseille par la ligne rapide de TGV, cette dernière ville sera placée sur la carte plus proche de Paris. Ainsi, l’espace peut être différemment perçu si l’on considère la mobilité humaine.

Enfin, l’anamorphose peut servir à faire ressortir certains détails importants. Par exemple, pour les plans de ville ou les cartes routières, les voies (rues, routes, autoroutes) sont représentées plus larges qu’elles ne le seraient à l’échelle, alors que leur longueur est à l’échelle.

L’Œil de Léonard (Léonard de Vinci, vers 1485) est l’exemple définitif connu le plus ancien de l’anamorphose de perspective dans les temps modernes. Les peintures rupestres préhistoriques de Lascaux peuvent également utiliser cette technique, car les angles obliques de la caverne entraîneraient des figures déformées du point de vue du spectateur.

Hans Holbein le Jeune est bien connu pour incorporer une transformation anamorphique oblique dans sa peinture Les Ambassadeurs. Dans cette illustration, une forme déformée se trouve en diagonale à travers le bas du cadre. Le voir d’un angle aigu le transforme en l’image plastique d’un crâne humain, un memento mori symbolique. Au XVIIe siècle, les peintures murales en trompe-l’œil baroque utilisent souvent l’anamorphisme pour combiner des éléments architecturaux réels avec des éléments peints illusoires. Quand un visiteur voit l’œuvre d’art d’un endroit spécifique, l’architecture se confond avec la peinture décorative. Le dôme et la voûte de l’église Saint-Ignace à Rome, peints par Andrea Pozzo, représentaient le summum de l’illusion. En raison des moines voisins se plaignant de la lumière bloquée, Pozzo a été chargé de peindre le plafond pour ressembler à l’intérieur d’un dôme, au lieu de construire un vrai dôme. Comme le plafond est plat, il n’y a qu’un seul endroit où l’illusion est parfaite et un dôme n’a pas l’air déformé.

L’anamorphose des miroirs est apparue au début du XVIIe siècle en Italie et en Chine. Il reste incertain si les missionnaires jésuites ont importé ou exporté la technique.

Anamorphose pourrait être utilisé pour dissimuler des images pour la vie privée ou la sécurité personnelle. Un portrait secret de Bonnie Prince Charlie (maintenant conservé au West Highland Museum, en Écosse) est peint d’une manière déformée sur un plateau et ne peut être reconnu que lorsqu’un cylindre poli est placé dans la bonne position. Posséder une telle image aurait été considéré comme une trahison à la suite de la bataille de Culloden en 1746.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les images anamorphiques sont devenues plus des jeux d’enfants que des beaux-arts. Au XXe siècle, certains artistes ont voulu renouveler la technique de l’anamorphose. Marcel Duchamp s’intéresse à l’anamorphose, et certaines de ses installations sont des «paraphrases visuelles» d’anamorphoses (voir The Bride Stripped Bare de Her Bachelors, Even / The Large Glass). Les travaux conceptuels de Jan Dibbets, les «corrections de perspective» sont des exemples d’anamorphoses «linéaires». À la fin du XXe siècle, l’anamorphose miroir a été relancé comme des jouets et des jeux pour enfants.

L’artiste surréaliste Salvador Dalí utilisa un raccourci extrême et un anamorphisme dans ses peintures et ses œuvres, et fit installer un plancher de verre dans une pièce à côté de son atelier pour permettre des études de perspective radicales de haut en bas. Son théâtre et musée Dalí à Figueres, en Espagne, présente une salle de séjour anamorphique tridimensionnelle avec des meubles sur mesure qui ressemblent au visage de Mae West vu d’un certain point de vue.

L’anamorphose permet d’améliorer la lisibilité de messages ou symboles vus d’une certaine distance. Dans ce cas, la déformation optique subie par le motif représenté à cause de l’angle aigu sous lequel il est vu par le spectateur nuit à sa compréhension. Cet inconvénient peut être contourné grâce à l’anamorphose qui permet de rétablir des proportions optiques satisfaisantes pour la bonne perception du message.

Depuis les années 1990, les annonceurs exploitent l’aire de jeu de certains sports comme espace publicitaire. Le procédé est apparu aux États-Unis dans le cadre de sports utilisant des surfaces synthétiques (ex. : football américain) ou du parquet (ex. : basket-ball). Cette pratique a été transposée en Europe sur des sports utilisant des terrains gazonnés, en particulier au rugby, mais l’angle de prise de vue rasant des caméras retransmettant les matchs à la télévision déformait les logotypes et les faisait apparaître très allongés. Des anamorphoses ont donc été appliquées aux visuels des annonceurs de façon à s’afficher à l’écran de manière conforme à l’apparence d’origine du logotype.

À partir de 1967, l’artiste néerlandais Jan Dibbets a fondé toute une série d’œuvres photographiques intitulées Perspective Corrections sur la distorsion de la réalité à travers l’anamorphose de la perspective. L’artiste suédois Hans Hamngren a produit et exposé de nombreux exemples d’anamorphose miroir dans les années 1960 et 1970. Shigeo Fukuda, un artiste japonais, a conçu les deux types d’anamorphose dans les années 1970 et 1980. Patrick Hughes, Fujio Watanabe, William Kentridge, István Orosz, Felice Varini, Matthew Ngui, Kelly Houle, Nigel Williams et Judy Grace sont des artistes qui créent des images anamorphiques.

Un carré pour un carré est une anamorphose réalisée par l’artiste français Jean-Max Albert en 1988. Du point de vue spécifique, on voit la perspective d’un carré inscrit sur la Place Fréhel, Paris, France. La conception est formée par un ensemble de lignes de plaques étroites de marbre de Carrare imbriquées dans les murs des bâtiments environnants et dans les vestiges d’un ancien chantier. Un muret et un pilier en maçonnerie ont été créés pour former l’autre côté de la conception. Dans un autre exemple du même artiste, le point de vue spécifique est indiqué par l’une des Sculptures d’Observation à Paris, Parc de la Villette. Dans ce travail, l’anamorphose apparaît comme le reflet d’une construction en bronze. Cette réflexion montre discrètement l’inclusion d’un cercle dans un carré dans un triangle, en référence au plan conceptuel du parc par l’architecte Bernard Tschumi.Notablement, Reflet Anamorphose permet , du point de vue spécifique, observer simultanément le dessin et son anamorphose.

À partir de 2006, l’artiste Jonty Hurwitz a été le pionnier de la sculpture anamorphique en utilisant des techniques mathématiques et l’impression 3D. Son travail est devenu célèbre au début de l’année 2013 lorsqu’il a été blogué par le critique d’art Christopher Jobson sur son site Web primé Colossal, qui a reçu 30 millions de vues en ligne. L’hôtel Savoy engagea Hurwitz comme artiste en résidence pour produire une œuvre anamorphique pour leur River Room, pour un restaurant appelé Kaspars.

L’artiste hollandais Leon Keer a fait une peinture d’illusion d’optique avec un cylindre miroir grandeur nature lors de l’événement de peinture de rue 3D FringeMK, en 2010.

Une autre forme d’art anamorphique est souvent appelée « Slant Art ». Les exemples sont les dessins à la craie des trottoirs de Kurt Wenner et Julian Beever, où l’image à la craie, le pavé et l’environnement architectural font tous partie d’une illusion. L’art de ce style peut être produit en prenant une photographie d’un objet ou d’un cadre à un angle oblique aigu, puis en plaçant une grille sur la photographie. Une autre grille allongée est placée sur le trottoir selon une perspective spécifique, et les éléments visuels de l’un sont transcrits dans l’autre, un carré de grille à la fois.

En novembre 2011, un article publié sur le site du magazine Smithsonian a mis en cause la présence d’un jardinage anamorphique de l’artiste français François Abélanet devant la mairie de Paris, l’Hôtel de Ville intitulé «Qui croire? (« Qui croire? ») Était vraiment la « plus grande nouvelle œuvre d’art du monde? », Citant une vidéo en ligne de celui-ci.

La signalisation routière peinte directement sur le sol fait également appel à ce procédé afin que les usagers de la route aient une vue non-déformée d’une image ou d’un texte lorsqu’ils se situent à une certaine distance. Dans de nombreux pays, une anamorphose sert à indiquer une piste cyclable, par un vélo peint sur le sol et qui semble étiré en hauteur quand on le regarde du dessus.

Certains emballages sont imprimés par flexographie (sorte de tampon encreur, qui permet des impressions en plusieurs couleurs et de grandes dimensions, jusqu’à 1,3 m × ; 2 m, y compris sur des films minces comme des sacs plastiques9). Le dessin sur la matrice doit être étiré dans le sens de défilement, donc anamorphosé.

De même, l’impression sur un support cylindrique, de type canette, ou de forme plus complexe, nécessite d’avoir un dessin anamorphosé sur la matrice10. Un certain nombre d’emballages sont des feuilles de polymère déformées (thermoformage, soufflage), par exemple pour donner des barquettes.

Au XXe siècle, les artistes ont commencé à jouer avec la perspective en dessinant des «objets impossibles». Ces objets comprennent des escaliers qui montent toujours, ou des cubes où le dos rencontre le front. De tels travaux ont été popularisés par l’artiste M. C. Escher et le mathématicien Roger Penrose. Bien que l’on parle d ‘«objets impossibles», des objets tels que le cube Necker et le triangle Penrose peuvent être sculptés en 3-D en utilisant l’illusion anamorphique. Vu sous un certain angle, de telles sculptures apparaissent comme des objets soi-disant impossibles.

Cinémascope, Panavision, Technirama et autres formats grand écran utilisent l’anamorphose pour projeter une image plus large à partir d’un cadre de film plus étroit. La société IMAX utilise des transformations anamorphiques encore plus extrêmes pour projeter des images en mouvement à partir d’un cadre de film plat à l’intérieur d’un dôme hémisphérique, dans son procédé « Omnimax » ou « IMAX Dome ».

La technique de projection anamorphique peut être vue assez couramment sur du texte écrit à un angle très plat sur les routes, tel que « Bus Lane » ou « Children Crossing », pour le rendre facilement lisible par des conducteurs qui autrement auraient des difficultés à lire obliquement approche le texte; Lorsque le véhicule est presque au-dessus du texte, on peut voir sa véritable forme anormalement allongée. De même, dans de nombreux stades sportifs, en particulier dans le football de rugby en Australie, il est utilisé pour promouvoir les marques d’entreprise qui sont peintes sur la surface de jeu; à partir de l’angle de la caméra de télévision, l’écriture apparaît comme des signes debout verticalement dans le champ de jeu.

Une grande partie de l’écriture sur les vitrines est en principe anamorphosée, car elle est écrite en miroir inversée à l’intérieur de la vitre.

Depuis 1993, OOZ & OZ, la société de Myrna Hoffman, produit des kits d’art d’anamorphose miroir et des activités pour les enfants, comme le kit «Morph-O-Scopes». Les kits de Hoffman ont gagné plus de deux douzaines de prix nationaux de jouets.

L’album No Earthly Connection de Rick Wakeman en 1976 présentait des photographies de couverture et de dos qui sont des anamorphoses miroir. La version vinyle originale comprenait une feuille de Mylar réfléchissante qui pouvait être enroulée dans un cylindre pour voir les images.

Dans le film policier Anamorph de 2007, la ligne de l’intrigue tourne autour de la solution d’images horriblement déformées anamorphiquement.

Quelques bouteilles Sprite de 0,5 litre en Europe ont été imprimées avec ce qui semblait être un «code à barres» supplémentaire. Lorsque la bouteille a été inclinée vers la bouche tout en buvant, le code à barres résolu en écriture, en raison de la perspective oblique.

Le jeu vidéo 2009 Batman: Arkham Asylum propose une série d’énigmes posées par l’antagoniste classique de Batman The Riddler, dont la solution est basée sur l’anamorphose perspective.

En 2013, Honda a publié une publicité qui incorporait une série d’illusions basées sur l’anamorphose.