Histoire esthétique

L’esthétique, comprise dans son sens traditionnel (kantien) comme l’étude philosophique des perceptions, des émotions, de la beauté et de l’art, recouvre un champ de recherche aussi ancien que la philosophie elle-même, mais la discipline est moderne car les Grecs ne distinguent rien. l’esthétique en philosophie. C’est donc rétrospectivement que l’on peut parler d’une esthétique ancienne comme science du beau ou science du sensible. L’histoire de l’esthétique se développe parallèlement à l’histoire du rationalisme. Il doit dater l’invention de l’esthétique que la moitié du 18ème siècle et si l’on considère la philosophie du siècle (Hegel).

Antiquité
Dans la Grèce antique, la question de la beauté est une question centrale, mais elle n’est pas nécessairement liée à la question de l’art. C’est à la fois une question qui touche à la morale et à la politique à Platon. La période phare de l’esthétique s’étend principalement aux Ve et IVe siècles av. J.-C., à l’époque de la démocratie des cités grecques, bien que des notions et des désignations esthétiques aient été énoncées dans les temps anciens:

Homère (fin du VIIIe siècle) parle notamment de «beauté», «harmonie», etc., mais sans théorie des ensembles. Par le travail artistique, il comprenait la production du travail manuel, à travers lequel une divinité agissait. Héraclite d’Éphèse explique le beau comme la qualité matérielle du vrai. L’art serait alors la manifestation d’un accord contré par une imitation de la nature. Démocrite voit la nature de la beauté dans l’ordre sensible de la symétrie et de l’harmonie des parties, vers un tout. Dans les représentations cosmologiques et esthétiques des pythagoriciens, les principes numériques et proportionnels jouent un grand rôle pour l’Harmonie et la Beauté.

Platon
Pour Socrate, la beauté et le bien sont mélangés. L’art représentatif consiste principalement à représenter une belle personne de corps et d’esprit. Platon ne conçoit pas le beau comme quelque chose de seulement sensible, mais comme une idée: la beauté a un caractère anormal, c’est quelque chose d’intelligible, qui s’adresse à la pensée. Il appartient à une sphère supérieure à celle des sens et de l’intellect. Les choses ne sont que des reflets d’idées, et l’art ne fait que copier ces réflexions. Et il évalue particulièrement négativement l’art, comme une copie infidèle, puisque imparfaitement fait par l’homme. Cependant, il différencie deux techniques d’imitation: « copie » (eikastikè) comme la peinture ou la poésie, et « illusion » (phantastikè) tels que les œuvres architecturales monumentales. Si Platon est favorable au beau, il reste hostile à l’art et particulièrement à la poésie et à la peinture. Son travail reste néanmoins la première codification idéologique et politique de l’art.

Aristote
Aristote ne traitait ni la beauté ni l’art en général. Sa poétique est un fragment sur l’art dramatique et ne comprend que les règles de la tragédie. Son point de vue est plus expérimental que théorique. Il infère les règles des chefs-d’œuvre du théâtre grec. Il développe néanmoins une théorie générale de l’imitation qui peut s’appliquer à différents arts: «L’épopée, la poésie tragique, la comédie, la poésie dithyrambique, le jeu de la flûte, le jeu de la cithare, sont, en général, des imitations» (chapitre 1). Pour Aristote, les arts sont différenciés par les objets qu’ils imitent et par les moyens artistiques utilisés pour réaliser cette imitation. L’art imite la nature ou complète les choses que la nature est incapable d’accomplir. La pensée d’Aristote devient ainsi la base de «théories de l’art» plus tard (au sens moderne), à ​​travers sa dialectique de la connaissance et son évaluation du rôle de la nature et de l’apparence dans la beauté artistique. Il met en place les concepts d’imitation (mimesis introduite par Platon), d’émotion, de spectateur (katharsis), de figures de style ou de rôle de l’œuvre d’art. Ces théories seront portées à l’esthétique classique par Boileau (17ème siècle) ainsi que dans l’esthétique marxiste.

Néoplatonisme
Dans l’Antiquité tardive, la théorie du beau est particulièrement systématisée autour des concepts néoplatoniciens de Plotin (204-270). Dans les Enneads, celui-ci reprend et dépasse les distinctions de Platon. L’essence du Beau réside dans l’intelligible et plus précisément dans l’idée. Alors la beauté est identifiée avec « l’Unité », dont dépendent tous les êtres. Le beau est donc de nature spirituelle (relié à l’âme) et sa contemplation est un guide pour approcher l’Intelligible. De même, la beauté réside dans la forme de l’œuvre et non dans son contenu. Ainsi, pour Plotin, le véritable art ne copie pas simplement la nature, mais cherche plutôt à s’élever. Plotin et a fondé l’esthétique des œuvres symbolistes et irréalistes, dont les exemples sont les icônes byzantines ou les peintures et sculptures de l’art roman. L’esthétique romaine reprend les concepts de la Grèce, comme des réflexions sur la relation entre la nature et la beauté, par exemple dans l’art poétique d’Horace, ou les théories de Sénèque sur le beau.

Moyen Âge
L’esthétique du Moyen Âge reprend les principes du néoplatonisme en les rapprochant du modèle théologique du christianisme. On considère alors que dans la création artistique une dignité créatrice, comparable à la création divine, est distillée. L’art est un moyen de transcendance vers l’intelligible. Au symbolisme de Plotin s’ajoute l’allégorisme, qui n’est plus considéré comme une simple figure de rhétorique, mais comme un moyen privilégié de correspondance avec les idées. En raison de son caractère hautement symbolique, l’esthétique médiévale est difficile à adapter au fossé moderne entre l’abstraction et la figuration. En effet, le même symbole peut être indifféremment représenté à l’aide d’une figure géométrique ou humaine. Par exemple, il y a des représentations de la Trinité ainsi que trois cercles, trois cercles, triangle ou trois personnes humaines face identiques. A l’époque romane, l’art sacré fait l’objet d’une opposition entre partisans d’une esthétique du dépouillement conforme aux idéaux contemplatifs (Saint Bernard et les Cisterciens, les Chartreux) et partisans d’une esthétique plus ornementale. dont Cluny est le fruit et dont Suger semble l’émulateur. Suger n’est pas seulement le «créateur de l’art gothique», il développe une esthétique de la lumière en relation étroite avec la liturgie. L’église est considérée comme une préfiguration de la Jérusalem céleste, la ville promise aux élus. Aucun des éléments architecturaux, liturgiques, décoratifs ou iconographiques n’est libre. Tout est là pour manifester et célébrer la gloire divine dont la lumière est le meilleur symbole.

En musique, Hildegard von Bingen conçoit la musique comme une réminiscence du paradis. Ici aussi, l’esthétique est inséparable de la métaphysique et de la spiritualité. La musique est d’essence trinitaire, ses lois dérivent de la Parole ainsi que leurs propriétés mathématiques: intervalles, modes, rythmes, etc. Généralement, les spéculations pythagoriciennes sur les nombres jouent un rôle important non seulement pour mesurer les rythmes musicaux, mais aussi en particulier pour définir les proportions architecturales. Philosophes: Pseudo-Denys l’Aréopagite, Augustin d’Hippone, Boèce, Thomas d’Aquin.

La théorie byzantine de l’image
En questionnant et en interrogeant le statut des images religieuses (les icônes), païen (les idoles) et commerciales (pièces de monnaie, jarres) menées par le christianisme lors des querelles ou de la crise iconoclaste des VIIe et VIIIe siècles, outre la question de Beau, le statut de l’icône, la distinction entre l’image et la peinture, la vérité d’une image (ce qui est vrai ou faux), la relation du Logos (verbe, mot) à l’image, la notion d’empreinte , la relation de l’image à la présence, enfin des signes et des hiéroglyphes. Développée par les philosophes néoplatoniciens et aristotéliciens grecs et les théologiens en particulier: Jean Damascène et Pseudo-Denys l’Aréopagite, la théorie de l’image byzantine construit l’image comme un langage de signes et de codes.

Renaissance
L’Esthétique de la Renaissance est cohérente avec l’interprétation de l’époque qui relègue le Moyen Age du côté des temps sombres et se tourne vers l’Antiquité gréco-romaine. Les historiens et les humanistes louent le mouvement artistique qui depuis Giotto a réussi à amener l’art à la ressemblance de la nature. Alberti attribue à Brunelleschi, Donatello et Ghiberti la renaissance des arts visuels et des Vasaridivides en trois périodes, progrès qui va de l’imitation des anciens à l’imitation de la nature. Si l’antiquité n’a jamais été totalement oubliée, les humanistes essaient de trouver son authenticité: les traductions latines sont abandonnées au profit des textes grecs originaux, les premières fouilles archéologiques sont organisées, les premiers musées apparaissent.

La redécouverte de Platon par Gémiste Pléthon et Marsile Ficin n’est pas sans conséquence sur la conception des arts et de l’architecture. Dans le Compendium de Timaeum, Ficino élabore le standard du pythagorisme esthétique et du platonisme: la participation du sensible au règne des formes pures se fait à travers des figures et des proportions géométriques. La réalité physique d’être essence mathématique, le but de l’esthétique est de définir les lois mathématiques de la beauté (spéculation sur le nombre d’or, volumes de Pythagore, triangle d’harmonie musicale, etc.). Alberti sera l’entrepreneur principal de ce programme. Dans le Reed aedificatoria, il s’inspire de Timée pour établir les principes de construction. Dans le De pictura, il aborde les notions de perspective légitime qui fait de la peinture une extension de la réalité et de la beauté picturale dans la bonne composition par le dessin de contours (ligne de circonscription) qui conditionne l’ordre des couleurs et des couleurs. la lumière (clair-obscur). Si dans ses Carnets, Léonard de Vinci conçoit la peinture comme l’imitation de la nature, cette mimétique implique une analyse conceptuelle complexe des dix attributs de la vue suivie d’une synthèse picturale et plastique d’éléments aussi divers que l’étude des proportions et des attitudes humaines, mouvement et repos, forme et position, matière et couleurs, perspective linéaire ou atmosphérique, distribution de l’ombre et de la lumière dont les lois de l’optique et des mathématiques sont les instruments privilégiés de l’étude. Dans son traité d’architecture inspiré par Vitruve, Serlio défend les idéaux de régularité et de symétrie qui préfigurent l’esthétique classique.

Cependant, en appliquant les théories et la perspective d’Alberti ou les mathématiques de Manetti et Pacioli pour créer un espace illusionniste construit rationnellement, les artistes de la Renaissance sont conscients d’innover et de développer des techniques artistiques qui n’existaient pas. dans les temps anciens.

Le rôle de l’image est remis en question par des théologiens réformateurs qui lut une contradiction entre le plaisir esthétique et l’ordre divin, le catholique Jérôme Savonarole à Florence qui organise la destruction des miroirs et des peintures par le bûcher des vanités, le protestant Luther qui interdit les images dans le temples et Jean Calvin, qui a ajouté la chromoclastie, l’interdiction des couleurs. En réponse, le rôle de l’image en tant que littérature et discours est affirmé par le Concile de Trente et l’Église catholique.

17ème – 18ème siècles
L’esthétique classique inspirée par le Symposium de Platon et trouvant l’une de ses expressions les plus accomplies dans l’Art poétique de Boileau, a conçu non seulement l’esthétique, le beau, et le négatif, le laid. La belle a été conçue en termes d’harmonie, de symétrie, d’ordre et de mesure. L’esthétique empiriste ajoutera une seconde valeur esthétique positive, le sublime. Le sublime est une valeur caractérisée par la disharmonie, la dissonance, la disproportion, le désordre, la dissymétrie. Là où le beau produit le sentiment de sérénité dans l’âme, le sublime produit des sentiments tels que la terreur et la passion violente (sans tomber dans l’horreur). Le sublime trouvera son application artistique la plus absolue dans le romantisme, qui exaltera la passion et l’excès dans l’âme humaine (génie artistique, amour passionné, soi solitaire ou même révolution politique). Pour l’esthétique classique, la beauté était un concept. On peut parler d’art intellectuel ou d’intellectualisme esthétique. Par exemple, dans les temps anciens, la musique faisait partie des quatre sciences quadrivium. C’était une science d’harmonie et de mesure, comme le dit saint Augustin dans son traité de musique. Pour Descartes, les questions qui préoccupent le cartésianisme sont étrangères à la beauté et à l’art; dans cette école, certains esprits se contentent de reproduire les traditions de l’Antiquité, notamment les idées de Platon et de saint Augustin (par exemple les traités Beau Crouzaz ou Père André).

Au contraire, l’esthétique empiriste conçoit le beau et le sublime comme des sentiments intérieurs. Ce sont des représentations que l’âme fait pendant l’expérience esthétique. Le beau se réfère à un sentiment de plaisir et de calme, tandis que le sublime se réfère à un sentiment de plaisir mêlé de douleur, ou à une alternance contradictoire de sentiments. Le goût n’est donc plus une notion intellectuelle, mais concerne l’impression sensible et le sentiment, définis par les empiristes comme les idées les plus vraies et les plus vivantes de l’esprit. Le livre Philosophical research sur l’origine de nos idées sur le sublime et le beau (1757) du philosophe irlandais Burke (1729-1797) peut être considéré comme le manifeste empiriste de la philosophie esthétique. Nous pouvons ajouter les essais esthétiques de Hume et les écrits de Shaftsesbury et Hutcheson. En France, Diderot et les encyclopédistes prennent des idées similaires. Charles Batteux commente Aristote et réduit tous les arts au principe de l’imitation de la belle nature. Le père Jean-Baptiste Dubos et Voltaire contribuent à la caractérisation de l’esthétique en tant que critique littéraire. En Allemagne, les disciples de Wolff et Leibniz ont trouvé la nouvelle science de l’esthétique. Baumgarten est suivi par Mendelssohn, Sulzer et Eberhard.

18ème – 19ème siècles

Kant
On dit que Kant a donné à l’autonomie esthétique son propre domaine dans l’art, mais en réalité l’autonomie ne concerne que «l’esthétique du sujet» et est liée à la connaissance et à la moralité. L’esthétique transcendantale de la Critique de la raison pure (1781) fait référence à la science de l’intuition, concepts a priori de l’espace et du temps du point de vue de la connaissance. L’esthétique est la science du «sensible» par opposition à la logique, qui est la science de «l’intelligible». Kant note que seuls les Allemands utilisent le terme esthétique dans le sens critique du goût auquel il n’a pas d’importance. Critique de la faculté de juger (1790), Kant analyse la question du jugement du goût par rapport au beau et au sublime, mais aussi la question de la téléologie dans la nature. Il distingue la faculté de juger comme faculté indépendante de la compréhension ou de la raison et intègre l’esthétique dans le sens de la théorie du goût, de la beauté et de l’art dans le champ de la philosophie transcendantale.

Interrogeant la nature du sentiment esthétique, Kant observe que pour la perception du plaisir, chacun reconnaît que ce sentiment n’a de valeur que pour sa personne, et qu’il n’est pas possible de contester le plaisir ressenti par l’autre: « quand je dis que le vin des Canaries est agréable, je souffre volontiers d’être réprimandé et me rappelle que je dois seulement dire que cela m’est agréable, car il en vient à penser que « chacun a son goût particulier ». cependant, serait différent, car s’il juge une chose aussi belle « j’attribue aux autres la même satisfaction » et « je ne juge pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de beauté comme si c’était une qualité de choses (…) « Il démontre que la beauté n’est pas agréable Le jugement du beau n’est pas fait selon un goût personnel: » On ne peut pas dire ici que tout le monde a son goût particulier « .

Hegel
Dans le système philosophique de Hegel, l’esthétique est définie comme une philosophie de l’art, et le but de l’art est d’exprimer la vérité. Le beau est l’Idée sous une forme sensible, c’est l’Absolu donné à l’intuition. L’art est une objectivation de la conscience par laquelle elle se manifeste. C’est donc un moment important dans son histoire. La réflexion sur l’art est liée à la fin de l’art, en ce sens que cette fin est une transcendance de l’élément sensoriel vers la pensée pure et libre. Ce dépassement est fait dans la religion et la philosophie. Pour Hegel, le pire des productions de l’homme sera toujours supérieur au plus beau des paysages, car l’œuvre d’art est le moyen privilégié par lequel se réalise l’esprit humain.

Pour Hegel, l’histoire de l’art est divisée en trois, selon la forme et le contenu de l’art:

l’art symbolique, oriental, sublime, dans lequel la forme dépasse le contenu;
classique, grec, bel art, qui est l’équilibre de la forme et du contenu;
romantique, art chrétien, vrai, où le contenu est retiré de la forme.
Hegel développe également un système des beaux-arts, qui est divisé en cinq arts principaux suivant l’espace (architecture, sculpture, peinture) et le temps (musique, poésie).

En France (19ème siècle)
Le terme esthétique, absent de l’Encyclopédie de Diderot, trouve sa première occurrence en français en 1743. Mais il ne s’installe en France qu’en 1850, lorsque les grands textes de Kant, Hegel et Schelling sont traduits ou traduits en français. transposé par Jules Barni et Charles Magloire Bénard. En 1845, Benard remarque que l’esthétique est ardemment cultivée en Allemagne, mais qu’elle n’est pas connue en France. Le retard est dû aux problèmes nationaux. La science de l’esthétique est perçue comme allemande et ne trouve de reconnaissance philosophique que tardivement. Beaucoup de livres sont publiés, bien sûr, tout au long du 19ème siècle, qui appartiennent à l’esthétique en tant que science de la beauté. L’esthétique est également enseignée par les disciples de Victor Cousin tels que Théodore Simon Jouffroy ou Charles Lévêque (1861) dans une perspective platonicienne et spiritualiste. Mais la première chaire universitaire consacrée à l’enseignement de l’esthétique a été créée à la Sorbonne pour Victor Basch en 1921 seulement.

L’esthétique se développe aussi en dehors de l’institution philosophique dans le domaine de la critique d’art. En 1856, Charles Baudelaire intitule Bric-à-Brac Esthétique son étude consacrée aux Salons de 1845 et 1846. Il lui donne son titre définitif de Curiosités Esthétique en 1868. Dans son article sur l’Exposition Universelle de 1855, il critique les «professeurs esthétiques « , les » doctrinaires du beau « enfermés dans leur système et qui ne savent pas saisir les correspondances. Il théorise l’avènement de la modernité dans son article capital The Painter of Modern Life (1863).

En Allemagne (19ème siècle)
Au XIXe siècle, la Kunstwissenschaft 30 ou «science de l’art» est formalisée autour d’une approche historique de l’art, appelée historicisme (autour des principes d’individualité et de développement), notamment à travers le travail de l’historien Jacob Burckhardt. L’ambition est celle d’une science d’étude, loin de la critique philosophique et littéraire idéaliste. La «science de l’art» ne se distingue pas clairement de l’histoire de l’art. The Winckelmann (1717-1768), qui a déterminé l’art à travers une approche historique, et a comparé l’histoire de l’art à l’histoire de la civilisation. Les leçons esthétiques de Hegel justifient ainsi l’importance de la première historique et la systématisation de la connaissance.

Arthur Schopenhauer (1788-1860) fut directement influencé par Kant, mais il retourna aux pensées de Platon et de Plotin. Pour Schopenhauer, l’art est une connaissance directe des Idées (au-delà de la raison), qui elles-mêmes renvoient à un aspect ultime: la volonté. Il présente également l’archétype du génie, capable de surmonter la subjectivité humaine et d’accéder à la connaissance ultime (et de la révéler aux hommes). Il met en place une classification des arts, qui se réfère au platonisme (ou pensée médiévale). Il a une influence profonde sur les drames et les écrits théoriques de Richard Wagner. Friedrich Nietzsche (1844-1900) s’oppose au pessimisme de Schopenhauer, avec une attitude esthétique, le dionysiaque, qu’il oppose à l’apollinien. Inversant la hiérarchie platonique, le sensible devient une réalité fondamentale: «l’art a plus de valeur que la vérité». Critiquant le principe des valeurs objectives comme fruit de la décadence, Nietzsche place l’artiste comme créateur de ses propres valeurs singulières, offertes aux autres hommes, pour stimuler leur «volonté de puissance», c’est-à-dire leur force vitale. et la joie. « L’art est le grand stimulant. » Selon Nietzsche, la fonction de l’art n’est pas de créer des œuvres d’art, mais «d’embellir la vie». « L’essentiel dans l’art est la célébration, la bénédiction, la déification de l’existence ».

Esthétique contemporaine (20ème et 211ème siècle)
Apparaissant au 20ème siècle, sont les principaux mouvements contemporains esthétiques. Ils s’inscrivent notamment dans le contexte des préoccupations sur la langue (question centrale de la philosophie du XXe siècle) en lien avec l’émergence de nouvelles sciences (linguistique, neurosciences).

Phénoménologie
Heidegger définit l’esthétique comme «la science du comportement sensible et émotionnel de l’homme et ce qui le détermine». Après 1933, dans les conférences sur «L’origine de l’œuvre», ses études sur la poésie de Hölderlin et la peinture de Van Gogh, Heidegger abordé la question de l’art. Il déplace toute la question ontologique (« Qu’est-ce que c’est? ») Sur les arts. Dans son approche phénoménologique, il désigne l’œuvre d’art comme une mise en œuvre d’un dévoilement (alètheia) de l’Être. Opposé au courant objectiviste (qui établit la vérité par rapport à l’idée de réalité), Heidegger définit l’art comme le moyen privilégié d’une «mise en pratique de la vérité» par l’esprit:

Cette approche est ensuite développée par des philosophes comme Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Mikel Dufrenne et Jean-François Lyotard.

École de Francfort
Les philosophes de l’Ecole de Francfort sont fortement marqués par une pensée matérialiste, inspirée par le marxisme et l’étude des crises du XXe siècle. Leur esthétique repose sur une analyse critique des sciences sociales et une étude de la culture de masse. Pour Theodor W. Adorno (1903-1969), notamment dans sa Théorie esthétique (1970), l’art reste un espace de liberté, de contestation et de créativité dans un monde technocratique. L’art a un rôle critique vis-à-vis de la société et reste un lieu d’utopie, tant qu’il rejette son propre passé (conservatisme, dogmatisme, sérialisme). Adorno s’opposera également aux installations de culture de masse (industrie culturelle), condamnant le passage jazz.

« Postmodernisme » français
Entre les années 1960 et 1980, plusieurs philosophes français ont poussé de nouvelles approches de l’esthétique. Leurs théories disparates ont une forte influence aux États-Unis sur la critique littéraire et artistique, où l’on parle de «théorie française». Ces auteurs, parfois attachés à une philosophie postmoderne ou poststructuraliste, poursuivent une critique du sujet, de la représentation et de la continuité historique, sous l’influence de Freud, Nietzsche et Heidegger.

Esthétique analytique
Apparue dans les années 1950, l’esthétique analytique est le courant de pensée dominant dans le monde anglo-saxon. Issu de l ’empirisme et du pragmatisme, cette esthétique repose sur une recherche par des instruments logico – philosophiques et des analyses du langage, dans le prolongement de la philosophie analytique. Cette esthétique est constituée par un ensemble de théories homogènes, essentiellement liées à l’analyse des questions et des définitions de l’art. Ces théories s’affirment indépendantes de l’esthétique « traditionnelle », tant par la restriction de ses objets (sont exclues: la question du beau, l’histoire de l’esthétique) que par la spécificité analytique de ses méthodes de recherche (se référant à la logique et non spéculatif). L’approche métaphysique suit cette tendance, notamment sur la «vérité des formes».

Nouvelles sciences de l’art
Les objets de l’esthétique sont également abordés par certaines nouvelles disciplines des sciences humaines et sociales, enrichissant la recherche de nouvelles approches théoriques et méthodologiques.

Sociologie esthétique
Dans la continuité de l’histoire culturelle du 19ème, l’histoire sociale de l’art étudie les forces collectives travaillant dans l’art. Opposant l’idéalisme philosophique, cette sociologie est d’abord influencée par la pensée marxiste (matérialisme historique); il met surtout en évidence le contexte socio-économique 40 et cherche à lier l’évolution artistique aux luttes et aux classes sociales. Opposition au déterminisme marxiste, différentes approches de l’étude des contextes sociaux de l’art, plus attentives à l’internalisme du «monde de l’art»: étude de l’inscription contextuelle des œuvres dans le milieu culturel, notamment à travers l’histoire culturelle et l’anthropologie de l’art -Strauss, Boas); une étude sociologique de l’habitus de l’art (Bourdieu); une sociologie de l’action et des interactions contextuelles (Becker).

Ces nouvelles approches de l’art sont confrontées par exemple par l’idée commune d’une œuvre, née d’une inspiration «libre» de l’artiste, ou d’une logique esthétique intrinsèque à l’art et indépendante de l’environnement social. De même, sociale les mécanismes de réception des œuvres (distinction, codes …) sont révélés. Néanmoins, ces sciences sociales échappent à l’étude des œuvres elles-mêmes, conférant peut-être un réductionnisme «social» à l’art; C’est la raison pour laquelle de nouvelles approches ne concernent pas seulement l’environnement, mais la pratique, voir le travail lui-même.

Psychologie de l’art
La psychologie de l’art vise l’étude des états de conscience et des phénomènes inconscients à l’œuvre dans la création artistique ou la réception de l’œuvre. L’analyse de la création artistique reprend l’idée d’une primauté de l’artiste lui-même dans l’interprétation de l’art; idée développée depuis la Renaissance et le romantisme, et déjà inclus dans les approches biographiques de certains historiens de l’art du 19ème (voir Kunstwissenschaft). À partir de 1905, avec la rédaction de la théorie des pulsions par Freud, l’art devient un objet de psychanalyse. Cette approche ne vise pas à évaluer la valeur du travail, mais à expliquer les processus psychiques intrinsèques à son développement.

Sémiologie de l’art
Suivant les théories de Ferdinand de Saussure et le structuralisme, une sémiologie de l’art se dessine lentement. Cette «science des signes» n’étudie pas les motifs ou les significations des œuvres, mais les mécanismes de la signifiance (comment le travail signifie); l’œuvre est ici considérée comme un espace de signes et de symboles dont l’articulation doit être déchiffrée. Le langage des œuvres (par exemple le langage pictural) n’est pas considéré comme un système identique aux langues: en effet, ce «langage» n’est pas composé d’unités dépourvues de sens (tels que les phonèmes linguistiques) ou de signes de pure convention. Ce langage existe principalement par des relations analogiques. Si certains codes spécifiques au langage de l’art peuvent être déterminés (rôle de la forme, orientation, échelle …), l’implication d’éléments strictement matériels (liés à l’objet: pigments, lumière …) Cependant, il ne le fait pas complètement réduire l’art aux systèmes de langue.

Esthétique non-occidentale

Chinois esthétique
L’art chinois a une longue histoire de changement de style et de design. Dans les temps anciens, les philosophes discutaient déjà de l’esthétique. Confucius (551-478 BCE) a souligné le rôle des arts et des lettres (en particulier la musique et la poésie) dans le développement des vertus et le renforcement du li (étiquette, rites), afin de se rapprocher de l’essence humaine. S’opposant à ces arguments, Mo Zi soutint cependant que la musique et les beaux-arts étaient coûteux et inefficaces, bénéficiant aux plus riches, mais pas aux gens ordinaires.

Dans les écrits du 4ème siècle avant JC, les artistes débattent des objectifs propres à l’art. Par exemple, trois œuvres de Gu Kaizhi sur les théories de la peinture sont connues. Plusieurs œuvres plus tard, écrites par des artistes littéraires, traitent également de la création artistique. L’influence entre la religion et la philosophie, d’une part, et l’art, d’autre part, était commune, mais pas omniprésente; Ainsi, à chaque période de l’histoire chinoise, il est possible de trouver des arts qui ignorent largement la philosophie et la religion.

Vers 300 avant notre ère, Lao Tzu formule des conceptions matérialistes et esthétiques liées au taoïsme et aux lois de la nature. Ces conceptions sont clairement en contradiction avec les intérêts de la minorité dirigeante.

Le représentant le plus important de la transition vers l’esthétique médiévale chinoise est le philosophe Wang Chong, le premier siècle. Il adopte une substance purement matérielle, le qi, comme principe d’évolution naturelle et comme caractéristique fondamentale de la perception humaine. Il considère ainsi le monde matériel comme la source de toute beauté et de toute laideur; la vérité artistique concerne la conformité aux faits.

Cao Pi (187-226) a suivi ces considérations précédentes, mais il n’inclut pas seulement les critères de beauté, mais aussi les formes artistiques. Xie He (479-502) concrétise ces idées dans les Six Principes de la peinture: l’expression de l’essence des manifestations de la vie; l’art de la peinture au pinceau; l’utilisation des couleurs en fonction de la nature du sujet; la composition; la concordance de la forme avec la chose réelle; l’imitation des meilleurs exemples du passé.

Au 11ème siècle, l’écrivain Su Shi a attiré l’attention sur le rôle de l’inspiration et du talent.

Malgré la multiplicité des réflexions, l’évolution de l’esthétique chinoise dans la période qui suivit fut fortement entravée par le faible développement des forces productives et la rigidité des rapports sociaux, féodaux ou tardifs.

Esthétique japonaise
L’esthétique japonaise est l’approche de concepts esthétiques proches de la beauté ou du bon goût dans la culture japonaise traditionnelle et moderne. Bien que cette approche soit considérée dans la société occidentale essentiellement comme une étude philosophique, elle est considérée au Japon comme une partie inséparable de la vie quotidienne et spirituelle. Par ses aspects religieux, l’esthétique japonaise est fortement influencée par le bouddhisme. Il est particulièrement développé dans le bouddhisme zen et chanoyu. Le chanoyu a de nombreux aspects: construction, jardinage et utilisation de tissus végétaux, kimono, poterie, artisanat en bambou, calligraphie, fonderie, cuisine … L’esthétique est aussi évaluée à travers des idéaux, traditionnels tels que le wabi-sabi, mono non averti, iki ou moderne comme kawaii.

L’esthétique arabo-islamique
L’esthétique arabo-islamique, ou l’esthétique islamique, ne se rapporte pas exclusivement à la religion, mais à toute la pensée de la culture et du contexte islamiques, ainsi qu’aux pratiques religieuses et laïques. Faute de textes, il n’est pas possible de connaître les théories esthétiques de la période préislamique. Les philosophes islamiques n’ont pas écrit d’œuvres strictement liées à l’esthétique, mais dans leurs discussions sur Dieu, ils abordent différents débats dont les thèmes (arts, beauté, imagination …) sont étudiés aujourd’hui dans cette discipline.

Les idées de beauté sont inspirées du IXe siècle, par les doctrines néoplatoniciennes, y compris celles de Plotin, avec un texte arabe publié sous le nom de Théologie d’Aristote, qui a influencé les philosophes Al-Kindi (801-873) Al-Farabi (872- 950) et Avicenne (980-1037). Ces philosophes incluent la distinction entre la beauté sensible et la beauté intelligible, et les liens avec la perception, l’amour et le plaisir. Dans La Ville vertueuse, Al-Farabi introduit l’idée de la beauté intelligible dans les discussions sur les noms de Dieu.Il invoque la beauté et la perfection de Dieu pour justifier la relation de transcendance entre perfection, beauté et plaisir. Les œuvres humaines sont donc intrinsèquement imparfaites (comparées à celles de Dieu); Au cours des siècles, la société islamique établira des débats sur la pertinence de la représentation figurative dans l’art. Dans son Traité sur l’amour, Alvenna décrit de plus les distinctions entre la beauté intelligible et sensible et les formes de plaisir ou d’attraction, en considérant aussi les éléments psychologiques et spirituels. Avicenne affirme, par exemple, que le désir de beauté sensible peut être une chose noble, tant que ses aspects purement animaux sont subordonnés, et que l’intelligible conserve la faculté d’influencer le sensible.

Une partie importante des discussions philosophiques concernant les arts, en particulier la rhétorique et la poésie arabe et perse. Inspirée par les commentateurs grecs d’Aristote, cette approche des arts est moins esthétique que linguistique et logique. Les philosophes interrogent l’efficacité du langage, ses mécanismes linguistiques, ses usages (religieux, politiques), ses capacités cognitives (persuader, imaginer). L’existence de la rhétorique et de la poésie est également essentielle pour les philosophes, dans leurs explications des liens complémentaires entre la religion et la philosophie (Al-Farabi, Averroes 1126-1198).

La musique fait l’objet de plusieurs interprétations selon les écoles: si les ulémas la considèrent avec une certaine méfiance, les Sufis lui accordent un rôle spirituel important. Al-Ghazali (1058-1111) consacre de nombreuses pages aux effets de l’écoute de la musique, de la poésie et de la prière sur l’âme, et des philosophes tels qu’Avicenne développent des théories mathématiques sur les sons, liées à la musique des sphères.